Marcel Barbeau – Sous les sapins, la peinture
Paysagiste, Marcel Barbeau ? Pas vraiment, cependant pour lui la nature demeure une inspiration forte. Il s’en explique:
« La nature n’a jamais été pour moi un modèle, mais un lieu de calme et de silence, une halte favorable à la poursuite de mon œuvre et au ressourcement. J’ai souvent trouvé dans les Laurentides un nouvel appétit de créer. »
Avant de s’installer pour une dizaine d’années à Bagnolet en banlieue parisienne, Barbeau séjourne l’été à Piedmont à partir de 1988, puis se fait construire un chalet sur les flancs du Mont Olympia. Au fil des étés, on le retrouve à Val-David, à Saint-Sauveur et, à son retour de France, au Lac-à-la Truite en juillet 2009. Déjà au début des années 1950, il avait exposé au Centre d’art de Sainte-Adèle, où il enseignait, des œuvres sur papier de la série Combustions originelles. Cette série constitue l’essentiel de sa production des années 1949-1953. Barbeau revient « dans le Nord » au Centre d’art de l’Estérel, en 1961, pour une exposition duo avec une série intitulée Gestes, constituée d’encres de Chine et de quelques gouaches également en noir et blanc.
Mise en forme par Ninon Gauthier qui signe également le catalogue, l’exposition w Escapades dans les Laurentides s’accroche à ces jalons. Elle fait redécouvrir ces deux séries cruciales au sein d’une suite chronologique avec, en terminus, les compositions des années 1980 à 2000, peintes souvent l’été, à l’extérieur. Un volet témoigne de la présence d’œuvres de Barbeau chez les collectionneurs de la région.
Pour Ninon Gauthier, les Combustions originelles tiennent un peu du journal intime tant l’artiste s’astreignait à travailler dans des formats souvent identiques tous les jours. Ces encres superposent les couches et associent aux lavis des tracés en coulures, en gouttelettes ou en giclées. L’artiste projette et délie son écriture visuelle. Il explore au quotidien le cœur de la matière colorée et spongieuse que forme l’encre adhérant au papier. Une dizaine de Combustions ont été rassemblées. Elles escortent un rare tableau de grand format d’esprit encore très automatiste daté de 1953, La Torture des esprits lucides. Cette huile s’enrubanne d’entrelacs sombres raclés et remontés à la spatule qui tournoient, occupant la surface entière, très claire. Tournant le dos aux séductions de la couleur, Barbeau aborde, vers 1957, le noir et blanc. Une dizaine de feuilles de la série Gestes, en noir et sur papier chiffon Rolland, font pressentir l’influence de Kline, rencontré à New York en 1951.
Cette série apparaît aussi déterminante pour la suite que les Combustions originelles. L’intensité des signes, rappelant parfois la calligraphie orientale, et le rythme du graphisme balafrent le papier et composent d’insolites agrégats. Ces Gestes amènent les propositions proches de l’art optique et les grandes toiles en noir et blanc des années 1960. Tournant une autre page, méconnue, de ces « belles histoires des pays d’en haut », l’exposition montre également une facette originale de l’art de ce signataire du Refus global : la sculpture, en bois, terre cuite, céramique ou métal.
On l’aura compris, associant un peintre à une région, ce détour par les Laurentides, à caractère rétrospectif, se fait prétexte pour mieux faire connaître des ensembles significatifs propulsant la trajectoire de Marcel Barbeau.
Marcel Barbeau, Escapades dans les Laurentides
Musée d’art contemporain des Laurentides, Saint-Jérôme
Du 19 février au 8 avril 2012