Mémoire photographique – « Hua Jin : Dundee »
Née en Chine, formée en Colombie-Britannique et à l’Université Concordia, Hua Jin a obtenu en 2018 le Prix de la diversité culturelle en arts visuels du Conseil des arts de Montréal – qui venait tout juste d’être créé – pour son travail en photographie, vidéo et installation. Dundee est le titre d’un corpus débuté en 2017 où puise également l’exposition collective Territoires II (28 août-28 septembre) à La Castiglione en marge de MOMENTA | Biennale de l’image, après d’autres itérations à Vancouver et Lianzhou (Chine). Il fait référence à un canton de Montérégie jouxtant la réserve d’Akwesasne, niché entre le Saint-Laurent et la frontière américaine, terrain que l’artiste explore dans les dimensions de l’espace et du temps. Elle suit pour ce faire le fil de l’histoire familiale d’un ami de cette région pour y documenter une présence écossaise remontant au début du XIXe siècle, allant jusqu’au vieux pays où elle a accompagné le Dr William Fraser en quête des traces de ses ancêtres. Une photo l’y montre ainsi inspectant les restes d’une vieille masure, murs de pierres effondrés qu’envahit la verdure, réintégrant dans la nature ces témoins d’une culture de survivance dans les conditions les plus dures, répercutée dans certains objets trouvés sur place ou parmi ceux que les émigrants transmirent à leurs descendants. On trouve ainsi exposés, pêle-mêle en vitrine, livres de recettes manuscrites et de chansons patriotiques, cornemuse et bout de tartan, vieux albums de photos de famille et bois flotté tiré du Loch Ness.
L’artiste suit le fil de l’histoire familiale d’un ami de cette région pour y documenter une présence écossaise remontant au début du XIXe siècle, allant jusqu’au vieux pays où elle a accompagné le Dr William Fraser en quête des traces de ses ancêtres.
Les photos de l’artiste suggèrent des parallèles entre les paysages d’Écosse et du Québec, souvent par le motif des amas de pierres trouvés, qu’il s’agisse d’un inukshuk près du cercle d’un feu de camp ou de mystérieux cairns acrobatiques édifiés par jeu sur la lande. Les pierres ne sont-elles pas l’objet privilégié des tentatives humaines d’inscrire une présence dans un lieu et une durée? Elles ne s’en prêtent que mieux à souligner l’inéluctable passage du temps, comme celle croquée trônant au milieu d’un champ.
Mais c’est là, a fortiori, la vocation de la photographie, surtout quand elle prend pour objet des photos de famille – ainsi celle d’une grand-mère en petite fille dans un cadre ovale verni posé sur une commode contre un petit bateau de bois sculpté aux frêles voiles en écorce de bouleau, bouée plus tangible encore d’un séculaire moment d’enfance surnageant dans le flot du temps. Le plus fort, c’est encore Margaret’s Film, triple arrêt sur l’image d’un bout de négatif remontant aux années folles de la jeunesse de cette même femme, chaque moment spectral reprenant vie en regard par inversion des zones d’ombre en Photoshop. Du coup, un ciel éclatant baigne un pâle portrait de groupe, des jeunes filles en fleur devant leur école de rang nous dévisagent ou regardent ailleurs dans l’instant distendu, tandis qu’un négatif indépliable fusionnant deux clichés joint deux moments d’un déjeuner sur l’herbe en l’hologramme d’une tranche de vie partagée entre ces inconnus familiers et nous, à même le temps tel que donné, perdu d’avance et retrouvé par miracle en la fragile matérialité d’une mémoire photographique.
Hua Jin : Dundee
Galerie Monkland de la Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce, Montréal
Du 6 septembre au 13 octobre 2019