Fortement inspirée par le nord du Vietnam, notamment par ses montagnes et par les communautés qui les habitent, Renée duRocher propose une série de tableaux empreints de sa sensibilité, de sa réflexion, de son dynamisme et de ses découvertes. Rencontre avec une artiste passionnée de peinture et engagée dans la communauté culturelle de Granby.

Lorsque je contacte Renée duRocher pour qu’elle me parle de ses trois expositions individuelles entre mai 2017 et juin 2018, le rendez-vous est donné à son atelier de Granby, au Centre culturel France-Arbour. Dans la salle Boréart vient tout juste de se terminer son exposition « XANH ».

Dans l’atelier de Renée duRocher, l’on se sent immédiatement à l’aise. Orientée côté nord,  l’ancienne classe d’une école secondaire de religieuses constitue un espace ouvert, à la lumière abondante. L’artiste circule devant les œuvres de « XANH » et devant d’autres œuvres encore en chantier. Elle parle de celles qu’elle amorcera à partir de ses photos et de ses croquis de voyage. Renée duRocher évoque ainsi une aventure de création qui se poursuivra, en novembre 2017, à la Galerie Michel-Ange, à Montréal, et, en mars 2018, à l’Ambassade du Canada à Washington.

Les 20 tableaux de l’exposition « XANH » résultent d’un travail de plusieurs mois, inspiré par un voyage au Vietnam (2016). Le triptyque Les montagnes bleues de Sapa, 2016, techniques mixtes sur papier marouflé (105 x 322 cm) est la première œuvre que Renée duRocher a peinte au retour de son périple. Elle contient l’essentiel : les montagnes, le vert de la nature et une femme vêtue du costume traditionnel. L’artiste évoque la sensualité du papier et tous ses possibles. Pour « XANH », elle a innové en utilisant un papier Milar, choisi pour sa transparence, afin « d’explorer la fragilité », dit-elle, non pas celle des personnes (loin de là), mais bien celle de « leur façon discrète de dire les choses ». Comme Renée duRocher se sert de l’huile, elle a dû consacrer des efforts sur le plan technique pour que la peinture ne glisse pas sur le papier et, surtout, pour qu’elle « accroche » bien. L’artiste y est parvenue avec le gesso transparent. Elle se réjouit de cet accord entre les matériaux choisis et sa proposition artistique.

Vert

Pour cette série de tableaux, le vert s’est imposé ; ce vert, elle l’a perçu durant le voyage en admirant les montagnes du Vietnam qu’elle découvrait. Un vert qui n’existe pas ailleurs. Un vert qui ressort de cette culture luxuriante et de sa végétation dense. Le mot « XANH » qui donne son titre à la suite de tableaux signifie d’ailleurs « VERT ».

À son retour du Vietnam, alors en pleine production, Renée duRocher lit les romans de Kim Thúy. Au fil des pages, elle reconnaît les lieux qu’elle a visités. Elle avoue avoir été totalement séduite par ces ouvrages : les récits, le papier, la gravure, les mots en exergue et la calligraphie. Elle est allée à la rencontre de l’écrivaine qui participait au festival Les correspondances d’Eastman ; elle a établi une entente avec elle. Avec la permission de l’auteure, elle a pu se servir de quelques mots et de quelques phrases des romans Ru, Mãn et Vi qui donnent plusieurs de leurs titres à ses tableaux.

Renée duRocher peint depuis plus de 40 ans. Dans la conversation, elle confie que pour chaque série de tableaux (un cycle de deux à trois ans), elle opte pour une nouvelle thématique, avec des formats différents et, toujours, une nouvelle couleur. C’est sa façon de rester créative et d’alimenter sa créativité.

Pour « XANH », elle constate que c’est la première fois qu’elle peint des portraits dans ses tableaux, même si elle utilise le vert du tableau pour faire un peu disparaître le visage de la femme qu’elle a représentée (Beauté aux joues silencieuses, 2017, techniques mixtes sur papier, 41 x 36 cm). C’est aussi la première fois qu’elle dessine des sourcils : ce détail reste énigmatique. Avant, — comme dans la série XIAN —, elle brossait, certes, des esquisses de personnages, mais pas de portraits.

Au centre de son projet d’exposition pour Washington, Quand diversité devient unicité, Renée duRocher met en lumière « le respect et l’harmonie [qui] sont les clés de cette unicité ». Elle établit un lien entre son voyage au Vietnam et l’intégration de la communauté vietnamienne au Québec et au Canada : « Il faut se rappeler que cette communauté a représenté une proportion importante d’immigrants au Canada à partir de 1975 avec l’accueil des boat people. […] Ces Vietnamiens et leurs descendants font aujourd’hui partie intégrante de la communauté canadienne dont ils enrichissent le paysage culturel. » Cette exposition regroupe beaucoup d’œuvres (sur papier ou sur toile). Il s’agit de techniques mixtes : pastels, collages, écritures chinoises et poèmes chinois. L’œuvre phare La gardienne du temps, techniques mixtes sur toile, 2017 (101 x 154 cm) traduit la subtilité et la profondeur de la démarche de l’artiste. Elle confie qu’il y a « beaucoup d’elle » dans ses tableaux où elle donne à voir ce qui l’a émue. 

Notes biographiques

À 78 ans, Renée duRocher travaille quatre jours par semaine dans son atelier. Par ailleurs, elle participe beaucoup à la vie culturelle de Granby : politique culturelle de la ville, comité Daudelin (Québec-France) pour l’acquisition de la sculpture Le Phare de Charles Daudelin natif de la ville, Journée du Patrimoine urbain, industriel et religieux de Granby (dernier samedi de mai), sauvegarde du patrimoine, rénovation de l’église Notre-Dame.

Renée duRocher : XANH
Centre culturel France Arbour 279, rue Principale Granby (Québec)
Du 31 mai au 2 juillet 2017

Galerie Michel-Ange 430, rue Bonsecours Montréal (Québec)
Du 16 au 30 novembre 2017

Quand diversité devient unicité
Ambassade du Canada à Washington 
De mars à mai 2018