Jonathan Roy, artiste en arts visuels, propose aux visiteurs du musée de la chapelle des Cuthbert une installation artistique paysagère qui touche aux enjeux de la protection et de la sauvegarde du patrimoine bâti.

Il s’agit d’une série de neuf installations paysagères de dimensions variables, créées à partir de 2 000 piquets d’arpentage en bois. Plantés bien droits à intervalles réguliers, ces innombrables bouts de bois résineux à tête rouge dessinent les pourtours d’un ensemble composé de grands rectangles et de vastes cercles, prenant place un peu partout sur le site. Ensemble, ces neuf formes minimales composent une oeuvre monumentale, fondamentale et éloquente, évocatrice d’un désastre évité.

En effet, ces formes évoquent le gabarit standard d’un ensemble de bâtiments unifamiliaux des plus typiques de notre époque: une maison, un cabanon, une piscine hors terre. L’intervention paysagère met ainsi en lumière le saisissant contraste entre présent et passé, entre ordinaire et extraordinaire, banalité et unicité, entre la richesse patrimoniale des savoir-faire ancestraux et la production de masse anodine.

J’explore le dialogue entre l’«ordinaire» et l’«extraordinaire», entre le banal et l’exceptionnel, cherchant à générer des rapprochements et des échanges féconds entre création et vie de tous les jours.

En se promenant à travers les différentes installations et les impressionnants arbres matures, les visiteurs perçoivent à la fois l’exceptionnelle qualité du lieu actuel et le sort probable de cette enclave patrimoniale si le terrain avait été loti, défriché puis rempli de maisons anonymes, comme ailleurs…

Détournés de leur utilisation habituelle, ces «banals» piquets d’arpentage deviennent la matière première d’une oeuvre primitive et expressive, entrecroisant paysage naturel, patrimonial et construit. Plantés l’un derrière l’autre, ces centaines de bouts de bois identiques créent une suite de grandes pièces habitables et d’immenses gestes géométriques qui se déploient à l’échelle du site.

Puis, à mesure que la pelouse continue de croître dans l’enchevêtrement des piquets, l’oeuvre s’ancre peu à peu au territoire, jusqu’à faire pleinement partie des lieux ; jusqu’à se fondre dans ce paysage d’exception.