Vente Finale
Du 15 Avr. 2022 au 15 Jan. 2023
11h à 18h
Centre Canadien d'Architecture
1920 rue Baile Montréal QC H3H 2S6

En 2001, le Harvard Guide to Shopping affirmait ouvertement que le magasinage constituait assurément l’ultime forme d’activité publique. L’ouvrage de 800 pages explorait la manière dont le magasinage avait radicalement remodelé les villes au début du siècle. Dès 2005, l’introduction par Amazon du service d’adhésion Prime a bouleversé le commerce de détail en ligne. En 2017, la vague de faillites qui a frappé différentes enseignes a poussé les journalistes à parler d’une « apocalypse du commerce de détail ». Selon une estimation, la moitié des ménages américains se seraient entretemps abonnés à Prime. Des études ont aussi montré qu’ils choisissaient de dépenser davantage pour leur alimentation et leurs voyages. L’« économie de l’expérience » offrait ainsi de nouveaux espaces où construire leur identité et leurs valeurs. Le magasinage en tant qu’activité urbaine entrait dans sa phase finale.
C’est dans ce contexte que les commissaires Fredi Fischli et Niels Olsen ont mis sur pied Retail Apocalypse à l’ETH Zurich, en réunissant une collection d’études de cas, d’interventions et d’analyses d’objets rescapés du feu de joie de la culture du commerce de détail. Ce projet de recherche peut se lire comme une capsule temporelle contenant toute l’histoire glorieuse, désordonnée et auto-proclamée de ce commerce. Reconceptualisée au Centre Canadien d’Architecture, Vente finale se présente comme un récit en trois chapitres. Décortiquant les différentes phases de la recherche initiale menée à l’ETH Zurich, l’exposition explore les transformations des espaces commerciaux contemporains et leur impact sur la société et l’environnement bâti dans le contexte des cycles historiques d’accumulation, de déclin et de réinvention.
Le premier chapitre : Contes modernes examine d’abord les espaces apparemment obsolètes qui ont défini le magasinage au XXe siècle. Des pages de la publication de l’ETH tapissent les vitrines du CCA, rappelant l’occultation provisoire des vitrines par les affiches de vente finale. La scénographie développée avec le graphiste Teo Schifferli déstabilise la vitrine conventionnelle du musée pour produire une présentation dialogique d’études de cas critiques et d’objets des collections du CCA. Des modèles de souvenirs, des catalogues commerciaux et des enquêtes des consommateurs révèlent à quel point l’architecture du commerce de détail a contribué à façonner les villes et les paysages, à organiser les classes et la culture et à influencer le comportement individuel et social.
L’exposition se poursuit avec le chapitre II : Bûcher, où une série de films documentaires et d’essais vidéo mettent en contexte la soi-disant « Apocalypse du commerce de détail » de l’époque entourant la crise financière. La salle octogonale du CCA renvoie l’image d’une salle de surveillance permettant d’observer les espaces d’accumulation, de saturation, de déclin et de crise. Steel Cities documente l’architecture de la logistique en Europe centrale et orientale. L’accent mis sur les travailleurs et leurs vies contredit l’apparence impavide de ces bâtiments d’infrastructure qui ont été décrits comme posthumains. Alors que la série Dead Mall de Dan Bell dépeint la décadence architecturale et sociétale du magasinage, Cao Fei et Andreas Angelidakis présentent le monde en pleine expansion de la distribution via le commerce électronique. Hannah Black et Bernadette Corporation se concentrent sur les aspects politiques de la déshumanisation causée par l’accélération capitaliste, en suggérant – en dépit d’un sentiment collectif d’impuissance – des formes possibles de résistance à travers des actes de protestation et de pillage.
Chapitre III : Renaissance aborde le musée lui-même comme un site de production et de consommation culturelle et la galerie octogonale du CCA se présente comme un espace de vente au détail en transformation. L’interaction entre les techniques de création artistique, les techniques de présentation et les techniques d’exposition est latente dans la culture visuelle. Claire Fontaine et Alex Bag remettent en question les cadres sociaux qui déterminent les valeurs d’usage. Heimo Zobernig et TELFAR utilisent des ready-mades pour représenter la marchandisation de l’artiste et du designer. Anonymous Club repousse les limites du musée, en traitant l’espace institutionnel à l’image d’un studio de mode ouvert à l’expérimentation. La Canal Street Research Association et Akeem Smith endossent dans leurs actions créatives le rôle d’archivistes, retraçant les mouvements et les mutations de la culture. Victoria Colmegna, Richard Sides et Gili Tal, produisent des vêtements d’artistes en reconvertissant les icônes et en déprogrammant leur langage. Georgie Nettell présente les systèmes de données omniprésents et les modèles économiques d’exploitation comme des formes d’abstraction néolibérales. L’agence David Chipperfield Architects et l’Atelier Barda créent des espaces commerciaux fluides qui exploitent le réel et le virtuel. Ibrahim Mahama transforme en sites culturels les réceptacles délaissés de la mondialisation. En s’engageant dans le commerce de détail par le biais de divers médias et techniques, les artistes et les designers exploitent leur position au sein des systèmes de production culturelle pour révéler de nouvelles valeurs et de nouveaux modèles.
Commissaires : Fredi Fischli et Niels Olsen
Recherche curatoriale : Irene Chin
Graphisme : Teo Schifferli
Développement de design : Sébastien Larivière et Anh Truong
Image: Miroslav Pazdera, Paysages de la logistique, 2019. À partir du projet Villes d’acier, 2020, Kateřina Frejlachová, Miroslav Pazdera, Tadeáš Říha et Martin Špičák. © Miroslav Pazdera