Amy Whitaker et Nora Burnett Abrams (2023). The Story of NFTs: Artist, Technology, and Democracy. New York : Rizzoli Electa, 144 p.

Le livre The Story of NFTs, rédigé en anglais, ne peut passer sous silence. Dans un argumentaire divisé en six parties logiques, A. Whitaker (professeure à la New York University) et N. Burnett Abrams (directrice du Musée d’art contemporain de Denver) éclairent merveilleusement les premiers jalons d’une histoire en devenir. Elles font remonter l’histoire des NFT aux éphémères « wall-drawings » de Sol Lewitt qui, dès 1968, conférait des certificats d’authenticité de ses œuvres désinstallées, assurant ainsi leur longévité. Quarante années plus tard, en 2009, la chaîne de blocs Bitcoin est lancée ; en 2014, Kevin McCoy réalise le premier NFT ; en 2015, Vitalik Buterin lance la chaîne de blocs Ethereum et, depuis, l’efferves­cence n’a pas cessé. Elle se poursuivra. La vente de NFT, qui totalisait 4,6 millions de dollars en 2019, atteint 11,1 milliards de dollars en 2021.

Le livre est très bien illustré, avec des photos d’époque, d’œuvres de jadis, mais surtout d’efficaces tableaux synoptiques qui montrent très explicitement les implications de la production neftéenne. Le non-fongible semble n’offrir que des bienfaits à l’artiste visuel, ne serait-ce que le partage et la redistribution du pouvoir. Transparence, équité, inclusion, dédommagements, et de nouvelles structures économiques s’ouvrent enfin aux artistes si souvent lésés dans leurs droits.

Les autrices soulignent que les artistes, grâce au Web3, se retrouvent aussi dans des projets de collaboration et des pratiques communautaires. La chaîne de blocs, qui offre à la fois un système de gouvernance, un registre clair et transparent, et un dispositif de rassemblement aura des répercussions certaines sur « l’autorité centrale » de l’art (musées, galeries publiques, encanteurs, etc.), et ce potentiel de collaboration annonce de grands bouleversements pour les musées d’art. Les autrices du livre en font le présage, ne sachant aucunement où l’expérimentation NFT aboutira. Aujourd’hui, face à l’avènement des chaînes de blocs, tout est en questionnement dans le milieu muséal.

Le livre introduit également des hypothèses au sujet des grands enjeux associés aux œuvres NFT : les transactions, la réglementation, la protection de la vie privée, la sécurité, les redevances, et aussi la métamorphose de l’esthétique, sous l’effet d’artistes aux pratiques entièrement numériques, mais aussi d’artistes œuvrant avec des médiums plus conventionnels. Rappelons à cet effet les boîtes de soupe Campbell d’Andy Warhol, qui inspira Ways of Seeing à John Berger, écrit et publié en 1972. Quant à l’esthétique, les autrices augurent qu’il y aura une différence entre les œuvres NFT créées par des artistes natifs du numérique et celles créées par des artistes aventuriers, issus d’une formation plus traditionnelle – les beaux-arts. Bien que les marchés qui soutiennent ces différents types d’artistes semblent se rapprocher, la facilité avec laquelle chaque groupe occupe le domaine de l’autre reste délicate.

Le livre est réaliste, car il se termine sur le krach boursier des cryptomonnaies, qui aujourd’hui fluctuent. Il reste à voir comment le marché des NFT se développera, ce pourquoi ce livre est truffé de questions qui demeurent en suspens.