On l’appelle le peintre-ethnographe. André Michel est connu pour avoir documenté la vie traditionnelle des autochtones de la Côte-Nord où, pendant 15 ans, il a partagé leur mode de vie et leur nomadisme saisonnier au cœur de leurs territoires de chasse et de pêche. André Michel a consacré une grande partie de sa carrière à peindre et à dessiner son peuple d’adoption : les Innus du Nitassinan (Côte-Nord et Labrador), et une abondante production de dessins et de peintures conservés dans plusieurs collections en témoigne. L’artiste a littéralement vécu « dans le bois », pré-requis obligatoire pour apprendre la langue innu-aimun et comprendre cette culture entièrement structurée autour de ce mode de vie nomade. André Michel a toutefois poursuivi, en parallèle, une trajectoire plus personnelle et a produit une peinture plus engagée.

Dans son exposition Nomades ou itinérants – Peuples en danger à l’Écomusée du fier monde, l’artiste dévoile une série d’œuvres récentes : des portraits à la sanguine d’itinérants croisés à Montréal, issus de communautés autochtones et inuites. André Michel, habile portraitiste, a donc réalisé ces œuvres lors de séances de pose dans la rue. Des histoires tragiques révélées ici, de l’astuce pour survivre là, des détails rappellent que ces gens ont souvent fui des milieux difficiles, victimes directes ou indirectes de polytoxicomanies et d’extrême pauvreté. Mais le nouveau milieu hostile – la grande ville – où les amène leur errance stimulerait-il leur instinct de survie et leur connaissance innée du nomadisme ?

Ce sont des portraits sensibles et réellement touchants que livre André Michel ; des portraits quasi intimes de personnages plus ou moins souriants, « nomades postmodernes » dont le destin actuel n’est pas si loin, en fait, d’un nomadisme de survie. Et cet instinct de survie, ces gens en usent apparemment  avec un relatif succès : dans la publication qui accompagne l’exposition, un texte de Guy Sioui-Durand invite ses lecteurs à considérer cette itinérance comme une forme – associée au dénuement total – de nomadisme. Et si, sous la détresse, il y avait une sagesse issue d’un savoir millénaire dont les Premières Nations ont été graduellement dépos­sédées depuis 1867, mais dont le feu brûle encore ?

André Michel est d’origine française ; il a adopté la cause autochtone dès les années 1970. On peut attester que son amour des gens des Premières Nations est sincère. Depuis cette position, il offre un regard nuancé sur ces itinérants pas tout à fait comme les autres. Un regard qui comprend que leur nomadisme possède un lien d’ancrage, un ailleurs significatif. C’est donc ce regard aimant, associé à l’intimité que prodigue le temps passé à dessiner un modèle, que propose l’artiste. Comme le proclame Guy Sioui-Durand, tous les types de rapprochements portent l’espoir qu’un jour il y aura adaptation, mais « adaptation sans assimilation »