Art et identité : des programmes artistiques éducatifs au Lac-Saint-Jean
Langage Plus est un centre d’artistes autogéré situé à Alma, dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’organisme, qui fête ses quarante ans cette année, propose différentes activités liées à ses grandes orientations : l’identité individuelle et collective, le territoire et son appropriation, l’art actuel et son développement et l’art en rapport avec la vie. Cette dernière orientation a abouti à deux résidences d’art immersives dans des écoles de la région, des projets chers à la directrice artistique Mariane Tremblay.
Savoir, c’est faire; faire, c’est comprendre
L’exercice proposé aux artistes consistait à réaliser une œuvre d’art participative et collective pour imaginer, avec les élèves, une création originale inspirée par des thèmes liés à la communauté. Autrement dit, explorer le rapport que les jeunes entretiennent avec l’environnement, avec l’école, leurs rêves, leurs croyances, leurs valeurs, etc. Par l’art, l’exercice social permet aux enfants d’ancrer leur identité dans le territoire, d’ouvrir les horizons sur les matériaux qui les entourent, de jouer avec la matière comme avec les idées ou les mots.
Par l’art, l’exercice social permet aux enfants d’ancrer leur identité dans le territoire, d’ouvrir les horizons sur les matériaux qui les entourent, de jouer avec la matière comme avec les idées ou les mots.
Diffuseur de rêve
En 2017, Carl Bouchard, un artiste de La Baie très impliqué dans les communautés autochtones du Saguenay–Lac-Saint-Jean, a été retenu pour un projet de résidence à Amishk, école primaire située à Mashteuiatsh. Aux fins de la résidence, l’artiste, qui vit et travaille à Chicoutimi, propose aux enfants de revisiter les capteurs de rêves qu’il renomme des « diffuseurs de rêve ». Le travail consiste à créer un dispositif qui permettrait de capter le rêve de chaque enfant : une jeune fille veut devenir psychologue, un jeune garçon veut jouer pour les Capitals de Washington, un autre devenir boxeur professionnel, une autre encore devenir chasseuse. Le fruit du travail de chacun est par la suite installé dans un corridor de l’école, une passerelle plutôt, faisant la jonction entre le primaire et le secondaire. L’œuvre, une forme de grand mobile suspendu, doit demeurer au minimum trois ans dans l’école; or la direction a déjà fait savoir qu’elle comptait la garder plus longtemps. Une rencontre dans dix ans avec les jeunes artistes est prévue par la direction.
Papillon adhésif
Un autre projet de résidence, cette fois dans une école de Saint-Joseph d’Alma, a été soumis par l’artiste de Montréal Catherine Lisi-Daoust en 2018. Celle-ci propose de travailler à partir d’un objet banal du quotidien des enfants : le « post-it », mieux nommé en français « papillon adhésif ». L’approche de l’artiste est simple : à partir de ces bouts de papier autocollants, inviter les jeunes à poser des mots inspirés ou déclinés de « papillon », à la manière d’un champ lexical, procédé littéraire type de la poésie. Papillon devient un « nœud », une « papillote », un « papi », une « aile », etc. Quatre grandes mosaïques sont créées in situ; les œuvres ont été posées sur des murs de l’école, puis exposées en septembre 2018 dans les locaux de Langage Plus.
Ces initiatives de résidence ne sont pas sans lien avec le contexte éducatif de la région : depuis plusieurs années, l’enseignement des arts plastiques a été retiré des programmes scolaires. Des titulaires peuvent encore offrir un atelier ici et là, lorsque le temps le permet, mais on ne trouve plus d’enseignants en art plastique à proprement parler. Or, pour pallier le problème, du moins temporairement, Langage Plus propose aussi aux écoles des activités artistiques parascolaires. Pour la seule année en cours, c’est plus de huit cents jeunes qui auront participé aux différentes activités des programmes. Saluons le Conseil des arts et des lettres du Québec qui a pigé dans son enveloppe discrétionnaire pour venir en aide au centre d’artistes, et espérons que la situation s’améliore.