Inauguration du pavillon Pierre Lassonde
Le Musée national des beaux-arts du Québec : Musée du XXIe siècle !

Il est magnifique le pavillon Pierre Lassonde ! Il s’avère d’emblée comme le bras que le Musée national des beaux-arts du Québec tend désormais pour saluer la Grande Allée et ses passants et, par là, la ville de Québec à laquelle il est dès lors clairement soudé. Tout de verre et d’acier, les trois sobres étages du bâtiment, dans leurs douces tonalités de vert de gris, s’intègrent bien au paysage qui l’entoure. Certes, son architecture composée de trois blocs savamment superposés crée un évident contraste avec les édifices académiques du parc des Champs-de-Bataille, mais ne leur porte nullement ombrage. Ce nouvel édifice compte encore bien d’autres qualités, et notamment celle d’être parfaitement adaptée à sa principale fonction, soit la mise en valeur des œuvres d’art moderne et d’art contemporain pour le bénéfice du plus large public possible.
179, Grande Allée Ouest : telle est la nouvelle adresse du Musée national des beaux-arts du Québec. Car le portail de l’édifice inauguré le 22 juin, corps architectural dénommé pavillon Pierre Lassonde, s’impose désormais comme la principale entrée du Musée. Et, sitôt le seuil franchi, quel vaste hall s’ouvre devant les visiteurs ! Il s’étend loin devant leurs yeux et se présente surtout d’abord comme une grande salle d’accueil dégagée, lumineuse. Son plafond est si haut (un peu plus de douze mètres) qu’on dirait qu’il touche le ciel avec sa lumière qui entre de tous côtés. Cette enceinte comprend guichets, vestiaires, boutique-librairie, café…
Après quelques pas en avant, voici, à main gauche, un jardin intérieur que limitent le presbytère et le mur latéral ouest de l’église Saint-Dominique ainsi que les structures extérieures d’acier et de verre du nouvel édifice. Dans cette surprenante oasis qu’ombrent les branches d’un arbre, s’élancent les trois mâts métalliques qui enserrent une sphère constituée de 800 cônes d’aluminium ; il s’agit de la sculpture Une Cosmologie sans genèse de Ludovic Boney, artiste gagnant du Concours national d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement. Mon guide, Line Ouellet, directrice générale du Musée, me fait remarquer que « son » musée est certainement le seul qu’elle connaisse qui comporte un ancien presbytère et une ancienne prison. Avec une pointe d’humour, elle me signale qu’elle gère non un simple et grand musée, mais un complexe muséal. À la rotonde (pavillon central) et au majestueux édifice de 1933 (art historique) vient donc de se greffer un bâtiment dont l’architecture est résolument de caractère contemporain.
Contemporain, il l’est, en effet, à tous égards : sa structure, ses matériaux, l’agencement de ses étages, le découpage de ses salles, ses ouvertures, ses systèmes de chauffage et de climatisation, ses accès, ses voies de circulation, sa convivialité, son intelligence…
Le plaisir du dialogue
Dès le rez-de-chaussée, les premières salles d’exposition succèdent naturellement au hall d’accueil. Rien n’entrave le contact immédiat avec les œuvres des artistes actuels dont les créations constituent des moments marquants de l’histoire de l’art (moderne et contemporaine) du Québec. Pour l’été, deux expositions se disputent en premier les faveurs du public. Comme son titre l’indique, l’une, intitulée Installations. À grande échelle que signe Bernard Lamarche, conservateur du MNBAQ, met à l’honneur de grandes, voire de monumentales installations ; l’autre, titrée De Ferron à BGL. Art contemporain du Québec, propose une sélection de 85 œuvres phares tirées de la collection de 9 000 œuvres d’art contemporain du Musée créées de 1960 à aujourd’hui par les figures les plus célèbres de l’art québécois. Les pièces de la première manifestation jalonnent un parcours-promenade qui englobe quatre des salles du pavillon Pierre Lassonde et cinq des salles de l’édifice Gérard-Morisset (le plus ancien bâtiment du complexe muséal). Les créations de la seconde présentation occupent cinq salles du nouveau pavillon.
Dans les deux cas, le visiteur éprouve immédiatement la sensation que les œuvres se déploient avec bonheur dans des espaces où elles entretiennent un dialogue entre elles. Dans les deux cas, les commissaires ont fait fi de la chronologie ou de l’appartenance des œuvres à une école particulière au profit de rapprochements relevant d’influences croisées et de sensibilités communes qui ont animé les artistes au cours d’une même période.
Splendeur des escaliers
Pour avoir accès aux étages, s’ouvrent les portes dorées d’amples ascenseurs qui s’élèvent en silence avec leur charge de 20 à 30 visiteurs à la fois. Mais il est possible de choisir l’un des deux escaliers. L’escalier le plus impressionnant court du premier au troisième étage selon une spirale dont les cycles sont ovales. Son élégance est irrésistible. Véritable splendeur architecturale, il se profile comme une des attractions du nouveau pavillon. Mais il y en a une autre : un escalier suspendu relie le deuxième et le troisième étage. L’emprunter, c’est se donner la sensation de monter ou de descendre entre ciel et terre, avec la joie toute simple de laisser voguer son regard au loin pour scruter à loisir le paysage au-delà du fleuve par-dessus les escarpements de la rive sud du Saint-Laurent.
Les murs et les ouvertures de verre sont soutenus par des contreventements d’acier peints en blanc donnant à l’édifice tantôt le caractère d’un pont suspendu, tantôt l’aspect d’un bateau avec ses gréements. Pour des raisons à la fois esthétiques, pratiques et techniques, trois sortes de panneaux de verre – transparent, translucide ou opaque – habillent l’édifice. Les vitrages transparents qui ponctuent aussi bien les espaces de circulation que les salles d’exposition permettent à la lumière naturelle d’entrer (phénomène exceptionnel dans un musée d’art) et donnent au visiteur le plaisir de demeurer en contact avec le parc, la ville et les autres bâtiments du complexe muséal tout au long de ses déambulations.
La pluralité du musée
L’escalier principal représente la voie royale d’accès à l’auditorium. Il s’agit d’un amphithéâtre sobre dont les 256 fauteuils bleus offrent le confort visuel d’une salle de spectacle ou de conférence polyvalente. Selon les circonstances, un rideau latéral peut masquer ou non la lumière du jour.
À proximité de l’auditorium, deux expositions rappellent que le Musée est un établissement muséal complet. Dans une salle qu’imprègne la lumière du nord, Art inuit. La collection Brousseau. Ilipunga propose dans un environnement de banquise une sélection d’œuvres de 60 artistes originaires du Nunavik (Québec), du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest. Il s’agit pour la plupart de sculptures tirées de la collection de plus de deux mille cent pièces réunies par Raymond Brousseau à partir de 1956. Line Ouellet souligne que l’art inuit, tel que nous le connaissons, est une manifestation artistique toute récente dans l’histoire de l’humanité, donc un art typiquement contemporain. Heather Igloliorte, commissaire invitée, a articulé l’exposition selon sept thématiques répondant au concept inuit d’IQ (Inuit Qaujimajatuqangit) qui englobe la connaissance de l’environnement et de l’écosystème, les valeurs sociales, la langue, les habiletés essentielles à la survie, la cosmologie. Ces caractéristiques imprègnent les œuvres souvent impressionnantes des artistes de l’exposition : Manasie Akpaliapik, Peter Morgan, Jolly Aningmiuq, Paloosie Tukpanie.
Sous le titre Arts décoratifs et design du Québec, le Musée présente pour la première fois de son histoire une exposition exclusivement consacrée au design et aux métiers d’art québécois de la fin des années 1950 à aujourd’hui. Selon la thématique globale de L’imaginaire de l’objet, 184 objets réalisés par plus d’une centaine de concepteurs rappellent combien les choses qui nous entourent font écho à des événements marquants (l’Exposition universelle de 1967 à Montréal, les Jeux Olympiques de 1976), mais aussi à des styles de vie et à des changements sociaux, politiques et culturels. Céramiques, vêtements de confection, mobilier, affiches portent la griffe de créateurs comme Archambault, Cartier, Savoie, Hébert, Guillon, Vittorio, Adam, Halasa, Marois, Edgerly, Dallaire.
Rien n’empêche le visiteur de satisfaire sa curiosité de revoir les bâtiments « anciens ». Qu’à cela ne tienne : au premier sous-sol, un passage qui épouse en douceur la courbe du rond-point qui précède l’entrée de la rotonde, mène à ces lieux qui n’ont rien perdu de leur attrait ni de leur dynamisme. La promenade est agrémentée par le déploiement enfin complet sur 45 mètres de L’Hommage à Rosa Luxemburg la gigantesque fresque de Jean-Paul Riopelle désormais présentée en enfilade dans une suite de vitrines aux éclairages subtils.
Au pavillon Gérard-Morisset, une salle contient le parallélépipède de plexiglas, The Flux and the Puddle, la sculpture de David Altmejd. Le mécène Pierre Rochon a acquis cette œuvre en 2015 et l’a intégrée à la Collection Giverny Capital. Il l’a prêtée pour dix ans au MNBAQ. Les murs de la salle sont tapissés de miroirs, ce qui donne l’impression au visiteur de faire partie de l’œuvre.
Priorité au public
« Il faut garder à l’esprit que le pavillon Pierre Lassonde, insiste Line Ouellet, est une œuvre d’art architectural. S’il est bâti pour répondre à toutes les exigences mais aussi à toutes les extravagances dont peuvent faire preuve les artistes d’aujourd’hui, il est aussi agencé pour accueillir avec sa lumière, sa joie et sa chaleur le public pour lequel il a été conçu, public qui habite au XXIe siècle. » Merci.
2001-2016 : LE PAVILLON PIERRE LASSONDE, DE L’IDÉE À SA RÉALISATION
L’idée de doter le MNBAQ d’une aile destinée à agrandir le Musée afin de mettre en valeur les œuvres d’art contemporain est attribuable à John Porter. Dès juillet 2001, il était alors le directeur général du Musée, il a pris l’initiative de déposer un mémoire expliquant une telle nécessité au ministère de la Culture et des Communications.
Juin 2005, Pierre Lassonde est nommé président du conseil d’administration du Musée.
Février 2007, Pierre Lassonde verse 3,9 millions de dollars pour que le Musée puisse acquérir le terrain où se trouve le couvent des Dominicains afin d’y bâtir l’édifice agrandissant le Musée.
Mai 2007, le gouvernement du Québec s’engage à consacrer 33,7 millions de dollars au projet.
Décembre 2007, le gouvernement du Canada promet à son tour 33,7 millions de dollars.
Septembre 2008, John Porter devient président de la Fondation du MNBAQ afin de recueillir les sommes qui manquent au budget estimé alors à 90 millions.
Mai 2009, le Musée organise un concours international d’architecture pour la réalisation du bâtiment souhaité.
Mai 2010, le jury choisit à l’unanimité le projet présenté par l’Office of Metropolitan Architecture (OMA), cabinet de Rotterdam aux Pays-Bas auquel est attaché le célèbre architecte Rem Khoolass, en partenariat avec la firme québécoise Provencher Roy et Associés Architectes.
Septembre 2010, lancement de la campagne de financement privé dont l’objectif est de 32,6 millions de dollars.
Septembre 2011, Line Ouellet est nommée directrice générale du Musée.
Octobre 2011, Pierre Lassonde élève sa contribution personnelle à 10 millions de dollars. Le futur pavillon portera son nom. Yvon Charest et L.Jacques Ménard, coprésidents de la campagne de financement, versent un million chacun. D’autres fonds privés s’ajoutent.La ville de Québec débourse 5 millions.
Février 2012, dépôt des plans et devis définitifs du bâtiment par les firmes d’architectes.
Mai 2013, le budget est ajusté à 103, 4 millions de dollars. La contribution du gouvernement du Québec est de 45,1 millions, celle du gouvernement fédéral de 33,7 millions.
Septembre 2013, s’ouvre le chantier de construction.
24 juin 2016, inauguration du pavillon Pierre Lassonde.
Un mot de Shohei Shigematu, l’architecte
« Le concept général du pavillon Pierre Lassonde propose trois volumes superposés de manière à former une cascade qui prolonge la topographie du parc. L’activité urbaine pénètre dans sa partie la plus élevée, devenant un nouveau point de contact entre la ville et le parc », explique Shohei Shigematsu, l’associé et directeur de l’Office of Metropolitan Architecture (OMA) de New York, la prestigieuse firme en charge de la réalisation du pavillon Pierre Lassonde. La terrasse du troisième étage avec ses jardins et la sculpture de Patrick Coutu constitue justement l’un de ces points de contact entre le Musée et la ville dont elle offre une vue magnifique.