Peintre, mais aussi galeriste et animateur culturel… Jean-Michel Correia conjugue tous ces métiers à la fois.

« Dédramatiser l’art contemporain… S’in­sérer dans la cité… ». Afin de réaliser ces ambitions, le véritable peintre-entrepreneur qu’est Jean- Michel Correia multiplie les initiatives à partir de sa galerie de Magog.

La Galerie du Théâtre a été fondée en 2011 par Jean-Michel et Catherine Correia, sa conjointe et associée. « La première exposition a été l’occasion de montrer une partie de nos acquisitions, car nous sommes aussi collectionneurs », rappelle-t-il. Depuis, une quinzaine d’expositions ont été montées, quelquefois grâce à l’aide de commissaires invités, comme l’historienne d’art Françoise Legris ou Claude Goulet, directeur des Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie.

« La vocation de la Galerie est de montrer des artistes vivants confirmés, ainsi que des artistes émergents, forcément plus jeunes », explique Correia. En alternance avec de jeunes artistes québécois, souvent originaires de l’Estrie, ou français, les visiteurs ont pu admirer les peintures de Pierre-Léon Tétreault, les œuvres d’André Fournelle ou du tandem Louis-Pierre Bougie et François Vincent durant l’hiver 2013-2014. Au préalable, Michel Saulnier a exposé, en 2013, des oursons en laiton ou en tilleul recouverts d’urushi (laque japonaise).

Un club de collectionneurs

Se fiant à ses coups de cœur, Jean-Michel Correia n’hésite pas à vanter à qui veut l’entendre les qualités de ses artistes en commentant leurs œuvres les unes après les autres.

Le vaste espace de sa galerie a accueilli au cours de l’été les peintures et les sérigraphies de Thomas Corriveau représentant des têtes grand format. Comme en contraste avec cette profusion haute en couleurs, en juin, les œuvres silencieuses de Claude Chaussard ont affiché leur rigueur. Minimalistes, leurs tracés à la craie bleue, en effleurant le blanc du papier, ont pour propriété d’amener les observateurs à réfléchir et à méditer sur les conditions et les gestes essentiels qui font surgir le dessin et la peinture.

Parmi les projets que voudrait réaliser Jean-Michel Correia figure la constitution d’un club de collectionneurs. « Nous songeons, dit-il, à organiser des soirées thématiques qui réuniraient des critiques d’art et des personnalités du monde de l’art. »

Un creuset

Outre son goût pour les découvertes partagées et une propension à s’aventurer hors des modes entre les générations d’artistes, Jean-Michel Correia participe avec dynamisme au dévelop­pement culturel de sa région. Administrateur du Conseil de la culture de l’Estrie, il préside la Commission des arts visuels, ainsi que le comité Estrie Arts & Affaires.

Du Centre d’arts Orford, où il a notamment montré des œuvres de Marcel Saint-Pierre à des chefs d’entreprises locales qu’il a convaincus de présenter des créations d’artistes contemporains, il écume les Cantons-de-l’Est, ne cessant de monter des expositions ou de diriger des animations destinées à défendre ses artistes ou simplement à promouvoir l’art contemporain.

À cette fin, Correia est armé d’une forte conviction. Cet ex-Parisien voit la région où il a choisi de vivre comme un creuset. À bien des égards, croit-il, Magog, Sherbrooke et leurs environs pourraient prendre l’allure d’un laboratoire, à proximité d’une ville universitaire ouverte sur le savoir alors que la région tout entière fait l’objet d’une reconquête de l’espace urbain et rural. Aux côtés des privilégiés que sont les collectionneurs potentiels qui profitent de résidences secondaires, une nouvelle population cultivée s’installe dans les Cantons-de-l’Est. Pour ceux-ci, écologie, télétravail et nouvelles tendances ne sont pas que de vains mots. C’est dans ce paysage en mutation, où s’inscrivent de nouveaux styles de vie actuels, que Correia espère donner à l’art contemporain la place qui lui revient.

Qui le lui reprochera ? Au milieu de toutes ses activités, Jean-Michel Correia n’oublie pas sa propre peinture. En septembre 2013, pour l’exposition Ton local, il a investi le Musée Beaulne à Coaticook avec une installation où s’instaure un dialogue entre ses œuvres et l’environnement. Une fois de plus, il tire parti de l’architecture, sa formation première. Encore qu’en tant que peintre, il s’accorde une grande liberté dans ses interventions sur les surfaces qu’il ponce, frotte ou griffe. Ainsi, ses grilles sont recouvertes de blancs cassés ou de couleurs tantôt pastel, tantôt rougeoyantes, marquées, striées ou accentuées de traits plus sombres en bordure. L’ordonnancement et les proportions de ces tableaux aux matières brutes et tactiles s’inspirent du Modulor de Le Corbusier pour traduire au mieux l’esprit du lieu. 

Galerie du Théâtre, Magog