Art souterrain 2017
L’âge de raison… Ludique ?
Le festival Art souterrain, c’est une grande fête de l’art qui soufflera, en 2018, ses 10 chandelles. D’ici là, l’édition 2017, avec le thème audacieux Jeu et diversion et une belle sélection d’artistes émergents ou confirmés, promet de décoiffer quelques tuques ! Petit avant-goût…
« On a beaucoup de mal à développer de nouveaux publics et à capter l’attention des jeunes générations », affirme Frédéric Loury, directeur général et commissaire principal du festival Art souterrain. Né de ce constat et d’une volonté d’agir afin de décloisonner le monde de l’art contemporain et de le sortir de ses micro-milieux spécialisés pour l’amener à la rencontre d’un public élargi, cet événement annuel a modestement entamé son action socioculturelle en 2008, en se greffant au programme de Montréal en Lumière. Quelques années ont suffi pour qu’il s’étende sur les sept kilomètres qui serpentent le long de « l’underground » du centre-ville de Montréal !
L’animation culturelle pour lier l’art et le public
Véritable happening regroupant les propositions d’artistes de diverses provenances et de diverses disciplines – sculpture, installation, art vidéographique et photographique – autour d’un « thème issu non pas du milieu de l’art, mais de la société et en phase avec elle », résume Frédéric Loury, l’exposition envahit pendant trois semaines les grands axes cachés de la métropole, de la Place des Arts au Complexe Les Ailes, en passant par le Palais des Congrès, la Place Bonaventure, la Place Ville-Marie, la Gare Centrale, etc. C’est aussi – et surtout – un lieu de médiation culturelle favorisant des occurrences inusitées entre visiteurs « accidentels » et guides aux horizons multiples. Le rôle de ces passeurs hors normes ? Suggérer des circuits alternatifs aux explorateurs néophytes de l’espace urbain momentanément « muséifié » afin de créer un intervalle de discussion. Authentiques facilitateurs de rencontres entre l’art contemporain et des publics que les établissements institutionnels (musées, centres d’art) ne parviennent (à peu près) pas à attirer, ces émissaires contribuent à renouveler et à dynamiser les modes de diffusion de l’art, tout en développant de nouvelles interfaces de dialogue permettant de repenser le paradigme art et vie au cœur même du tissu social. Force est de constater, dès lors que l’on jette un regard rétrospectif sur ses plus récentes éditions, que l’entreprise est un succès.
Thématique ludique
Pour sa neuvième matérialisation, le thème retenu par le groupe de commissaires formé de Frédéric Loury, Patrick Bérubé, Chloé Grondeau et Marie-Charlotte Carrier, Jeu et diversion, questionne l’obsession du divertissement dans le monde contemporain.
À chaque époque et à chaque culture correspondent divers modes ludiques qui, sous forme de jeux, de fêtes, de musique ou de danses, ont longtemps rimé avec plaisir, détente et partage. Mais la nature et la place de nos récréations ont évolué au fil des siècles ; le déclin des religions, l’hédonisme et la modification de l’organisation du travail ont peu à peu mené à l’avènement d’une civilisation où les loisirs sont foncièrement devenus individualistes, forgeant ainsi de nouveaux rapports sociaux. Dès lors, le jeu et le divertissement sont devenus de véritables industries qui s’intéressent sérieusement à nos pulsions « gamistes ». Plus que jamais, les propositions pour occuper nos temps libres fusent de partout, et si se délasser est à n’en pas douter un besoin fondamental, l’exposition entend interroger le fragile point de rupture entre activités d’émancipation, voire de réflexion, et activités aliénantes, ou régressives. Avons-nous développé « l’amour de notre servitude » comme le suggérait Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes ? « C’est l’une des questions que pose l’exposition », déclare Frédéric Loury. Cette quête perpétuelle d’évasion témoigne-t-elle de notre frustration grandissante vis-à-vis du réel ? Sommes-nous devenus les « Homo Ludens » (1938) évoqués par Johan Huizingua (1872-1945), pour qui le mécanisme du jeu est consubstantiel à la culture ?
Voilà autant d’hypothèses que promet d’explorer ce jeu de pistes qui présentera les projets de 70 artistes ou collectifs. De ce nombre, on peut déjà mentionner quelques participants-vedettes : les Québécois Cooke-Sasseville, Stéphane Gilot, Marc-Antoine K. Phaneuf, Guillaume Brisson- Darveau (une installation intitulée Pinatas les Misanthropes), l’Ontarien An Te Liu (Toronto) – dont on a vu les œuvres à l’Arsenal – et les artistes de l’étranger Robert Barta (Allemagne), avec Move it!, Omar Victor Diop (Sénégal), avec une série d’autoportraits photographiques regroupée sous le titre de Diaspora et Shen Chao Liang (Taïwan).
En complément de programme, plusieurs événements se déploieront sur un parcours de six kilomètres et dans huit lieux satellites qui se déclineront au cœur de trois quartiers de la métropole.
Art souterrain : Jeu et diversion
Du 4 au 26 mars 2017