À l’annonce du « défi 28 jours » du gouvernement Legault, la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert (FAC) avait déjà décidé de migrer son événement en ligne. Seul le volet Artistes en ville est demeuré en présentiel, en raison de son concept : des vitrines de commerces, épargnés par la deuxième vague.

Pour la 11e édition, qui devait avoir lieu du 1er au 4 octobre 2020, la FAC annonçait 28 artistes à découvrir en salle et sur leur site Internet, en plus d’une soirée-bénéfice masquée (l’art au temps de la COVID-19 oblige), une remise de bourse, de la médiation culturelle auprès des écoles et des familles, ainsi que le retour des vitrines urbaines pour la troisième année consécutive. À quelques jours de l’ouverture, réinitialisation complète de l’opération, comme dans tout le milieu culturel d’ailleurs. Quand vous avez travaillé plusieurs mois sur un événement qui n’a lieu qu’une fois par année, c’est d’autant plus douloureux. L’effet domino aussi : les artistes, l’équipe de la FAC, la Ville de Saint-Lambert, les partenaires, les écoles participantes, les collectionneurs, les amateurs d’art contemporain basculent tous dans le virtuel. 

L’objectif de la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert est de mettre en contact les artistes avec les collectionneurs et les amateurs d’art contemporain.

Déjà au printemps, l’équipe de la FAC, dirigée par Michelle Roux-Bordage, avait fourni son effort de guerre pour aider des artistes des éditions précédentes à vendre des œuvres pendant le confinement. Le plan : faire découvrir chaque jour un ou une artiste, au moyen d’une courte vidéo enregistrée dans leur atelier pour aborder leur démarche et les œuvres présentées à la Foire. L’initiative permet de naviguer sur leur site Internet et, si le portefeuille vous le permet, incite à troquer vos frais de déplacement, en ce temps de télétravail, pour l’achat d’une œuvre d’art. La programmation de l’édition 2020, sous le commissariat de Jacques Sénéchal, qui quitte la direction artistique de la FAC, et de Cara Déry, qui reprend le flambeau, s’appuie sur un travail minutieux de repérage dans les ateliers d’artistes, dans les expositions en périphérie et dans les écoles d’arts visuels. 

L’objectif de la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert est de mettre en contact les artistes avec les collectionneurs et les amateurs d’art contemporain. En migrant l’événement en ligne, ce contact est minimalement conservé. Or dans cette ruée vers le numérique, le volet « live » est demeuré : Artistes en ville, aussi nommé Parcours des vitrines urbaines, s’immisce dans les devantures de six commerces de l’avenue Victoria à Saint-Lambert. Chacune a été transformée en espace d’exposition, grâce à la collaboration de la Corporation de développement économique de Saint-Lambert. Au fil des ans,  un dialogue s’approfondit entre les partenaires de la FAC et de la CDE pour trouver le meilleur jumelage entre les artistes et les commerces. De trois installations la première année, à six cette année, le résultat est encore modeste. Mais au vu de l’enthousiasme des protagonistes, le volet risque de prendre de l’expansion en 2021. 

Carole Baillargeon, Éprouvés 83-84-85-86-87-88-89 (2015-2017)
Ciseaux, mousse synthétique, tissu, fils à coudre et plomb, 400$ chaque
Photo : Jean-Michael Seminaro

Parcours des vitrines urbaines sur l’avenue commerciale Victoria

En partant du sud, arrêt chez la boutique Mélanie X Victoria au 578. Les textures des installations esthétisantes et intrigantes d’Ito Laïla Le François cohabitent à merveille avec celles des vêtements suspendus en vitrine, comme un dialogue entre la masse sculpturale et la légèreté des textiles. À quelques pas de là, au 556, se rencontrent deux institutions. Les incontournables Magasins Taylor fêtent leur centième anniversaire en présentant une installation textile de Carole Simard-Laflamme, artiste lambertoise pas tout à fait émergente car reconnue aussi à l’étranger. Elle a non seulement la fibre pour la dentelle mais également pour l’humour ! On remonte jusqu’au 436 chez la boutique Bon Bon Noix, pour un tour de manège (visuel, on s’entend) avec l’œuvre délirante, réjouissante, de l’artiste papier Karine Demers (lauréate du prix coup de cœur de l’édition 2019). Avec ses couleurs acidulées et ses formes qui s’emboîtent, ce jumelage fait sens. Au 434, la boutique Glorius, fermée à la suite d’un feu dans le commerce adjacent, renaît avec une spectaculaire installation papier en noir et blanc d’Andrée-Anne Dupuis-Bourret. L’artiste a non seulement utilisé l’espace architectural mais aussi le mobilier. Elle sublime le papier et en fait une expérience grandiose. De l’autre côté de la rue, on remonte vers le nord au 457 à la Quincaillerie Rousseau. Marie-José Gustave propose deux pièces de vannerie en fil de papier. Sculptures organiques, joyeuses et mystérieuses, le jumelage avec la quincaillerie laisse à penser à des luminaires suspendus ou à des nids qu’on aimerait habiter. Enfin, au 461, on retrouve le travail de Carole Baillargeon, présenté dans la vitrine du nettoyeur Chatel. À première vue, les objets pourraient sortir d’un cabinet de curiosités : carapaces en céramiques, poupées vaudou en fer et en laine. Puis nos yeux et notre perception s’affutent : il s’agit en réalité des différentes étapes de fabrication d’une paire de ciseaux. Il y a aussi des ensembles de sculptures-ciseaux enfermées dans des pelotes de laine. Pour l’artiste, ce sont des œuvres qui traitent de la condition humaine. Dans le contexte de cette vitrine, elles nous parlent aussi du travail des buandiers, des couturières et des artistes. Le pairage est parfait.


Rendez-vous en octobre prochain pour l’édition 2021, et d’ici là l’édition 2020 est en ligne ce mois-ci.