Dix-huit ans après sa fondation en 1974, le Musée d’art contemporain de Montréal (MACM) s’installait Place des Arts. Plus accessible, il a accru le nombre de ses visiteurs. Plus spacieux que l’édifice de la Cité du Havre qu’il avait occupé jusque-là, il a pu élargir ses activités. C’était en 1992. Le directeur d’alors, Marcel Brisebois, demanda à Lucette Bouchard, directrice du service de l’éducation, et à Luc Guillemette de mettre sur pied des ateliers d’arts plastiques destinés en priorité aux enfants. Vingt ans plus tard, sous le vocable d’« ateliers de création », ils sont empreints des mêmes principes pédagogiques et de la même passion.

Luc Guillemette se souvient de la première expérience des ateliers d’arts plastiques. Elle a eu lieu dans un local vide parce que le mobilier, qui devait répondre à des spécifications précises, n’avait pas été livré. S’inspirant du Reliquaire de Pierre Dorion, Luc Guillemette avait imaginé de déposer par terre de grands rectangles de papier Kraft pour que les enfants puissent s’y étendre sur le dos. Un participant traçait le contour de son camarade. Puis, ce dernier poursuivait jusqu’à terme son autoportrait- silhouette avec des pastels. L’animateur exposa les dessins sur les murs, créant ainsi le concept de la Galerie des visiteurs. Un succès !

De l’observation directe à la créativité

Titulaire du poste de responsable des ateliers de création, Luc Guillemette poursuit sa mission : donner un sens nouveau à l’expérience muséale. L’imagination et la créativité animent toujours les ateliers, où travaille une petite équipe de trois personnes, assistée par une douzaine de contractuels durant les camps de jour.

Au cours de l’automne 2012, deux œuvres de l’exposition La question de l’abstraction1 ont été choisies pour les ateliers : Porte d’orient 2, de Fernand Leduc, et Vorace Multiglore 3, de Lise Gervais. Présentant le tableau de Leduc, les animateurs ont invité les enfants à réfléchir à la thématique de l’« Aire rectangulaire ». Ils pouvaient ainsi observer « la richesse des coloris, le jeu des dimensions, le contraste des couleurs chaudes et froides, les formes rectangulaires qui occupent toute la surface du support, les aplats peints au pinceau qui respectent les limites du tableau4 ». Puis, chaque enfant, mis en confiance, produisait sa propre œuvre. Comme très souvent, il en est résulté des productions diversifiées et étonnantes, mais surtout une grande satisfaction : celle d’avoir « créé », d’avoir osé comprendre le processus de l’exploration autour de la forme et de la couleur.

Pour l’atelier « Couleurs voraces », Luc Guillemette – qui a eu un coup de cœur pour le tableau au format vertical allongé de Lise Gervais – a préparé une activité sur l’utilisation de la spatule, sans altération des autres couleurs. Les enfants ont été sensibilisés au mouvement de la main, au geste pour appliquer la peinture sur la toile avec ce couteau à peindre ; ils ont aussi été amenés à saisir l’importance de la couleur pour elle-même, et non pour des fins de représentation. L’expression picturale de leur tableau témoigne de leur apprentissage.

Les principes

Bien que la programmation soit sans cesse renouvelée, avec des ateliers toujours en lien avec les expositions du Musée, les principes qui président depuis 20 ans à la conception des activités restent actuels5. D’abord, les œuvres de la collection du Musée demeurent toujours une source d’inspiration : le visiteur inscrit aux ateliers doit observer la sculpture ou le tableau choisi. Mais surtout, l’expérience de création est plus importante que le résultat : il lui faut donc découvrir l’artiste et comprendre son œuvre, avant de réaliser sa propre image. Puis, en examinant les techniques mises en jeu, l’enfant et l’adulte appréhendent mieux les modalités particulières de création en art contemporain, tout en étant initiés à l’héritage artistique du passé. Enfin, le plaisir reste le moteur de cette activité de création : il est le gage de la transmission de la passion. 

(1) Exposition d’œuvres de la Collection du Musée, jusqu’en avril 2016.

(2) Porte d’orient, 1955, Huile sur toile.

(3) Vorace multiglore, 1964, exposée pour la première fois au MACM.

(4) Guide pédagogique de l’activité « Aire rectangulaire » des ateliers de création.

(5) Luc Guillemette (1997). « Les ateliers d’arts plastiques au Musée d’art contemporain de Montréal », Actes du GISEM 1995, dans Le musée, un lieu éducatif, Montréal, Musée d’art contemporain, p. 280-288.

(6) Consulter le site du MACM, www.macm.org, et choisir les onglets « Éducation » ou « Activités et événements ».

(7) Cet automne, les dessins intitulés « Les longs cous à rayures » ont été inspirés de deux œuvres de l’exposition Zoo : Le spectre et la main (2012) de David Altmejd, et God’s Window (2012) de Trevor Gould.