Musée des Beaux-Arts de Montréal: le nouveau pavillon
De la fenêtre de son appartement du haut d’une tour de la rue Sherbrooke, le mécène Pierre Bourgie a pu suivre de près le chantier. Il a vu prendre forme l’héritage qu’il allait laisser à cette ville qu’il aime tant : un nouveau pavillon pour le Musée des beaux-arts de Montréal. Cet amoureux fou de la musique et des arts avait donc toutes les raisons du monde d’être excité à la vue des travaux, d’autant plus que l’édifice allait porter le nom de ses parents : le pavillon Claire et Marc Bourgie !
Le défi était de taille : restaurer une église de style néo-roman d’une grande valeur patrimoniale, érigée en 1894, la transformer en une salle de concert de grande qualité, y adosser une annexe de facture contemporaine répondant à toutes les exigences de la conservation et de la mise en valeur d’œuvres d’art, tout en créant une unité de ton avec les autres pavillons du Musée des beaux-arts de Montréal.
Tout a été étudié, jusqu’aux murs extérieurs, en marbre blanc, qui font écho à ceux des pavillons Desmarais et Hornstein, donnant une unité de ton au musée. Ce souci du moindre détail et les qualités architecturales du pavillon Claire et Marc Bourgie lui ont valu la reconnaissance du milieu avant même son inauguration prévue l’automne prochain. L’édifice est en effet lauréat du Canadian Architect Awards of Merit 2010 et du Prix d’excellence 2011 de l’Institut de développement urbain du Québec.
Une nouvelle vocation pour la vieille église
Accueillis par un vitrail de Marcelle Ferron, les spectateurs seront invités à entrer dans la salle de concert pour occuper l’une des 444 places d’un espace qui intègre au charme de l’église les avantages des accessoires scéniques modernes. Dispositif acoustique sur mesure donc, mais aussi système d’éclairage astucieux, écran et projecteur haute définition permettent d’envisager des productions plus contemporaines…
« Il a fallu trouver une façon d’intégrer les dispositifs acoustiques tout en respectant l’aspect original de cet espace », explique Matthieu Geoffrion, de la firme Provencher Roy et Associés Architectes, qui a supervisé le chantier.
Le résultat est absolument magnifique ! Un ensemble de 118 vitraux, dont 20 Tiffany issus de la belle époque de la célèbre maison new-yorkaise, minutieusement restaurés, illuminent la salle de concert. L’endroit donne envie de s’asseoir, d’écouter et de se laisser enchanter…
Une idée en amène une autre…
Adossée au vieil édifice, la nouvelle annexe devient un écrin de facture contemporaine pour la collection d’art canadien du musée. Toutes les œuvres du MBAM seront dorénavant accessibles au public. Structurée de façon chronologique par le conservateur en art canadien Jacques Des Rochers, l’exposition invite à un voyage à travers le temps.
L’art inuit, d’abord, est exposé dans la salle Boréale au sommet de l’édifice. Celle-ci offre une vue sur le mont Royal, la ville et le Jardin de sculptures qui orne la rue du Musée, enclavée entre trois des pavillons du MBAM. Verra-t-on un jour cette petite avenue devenir piétonnière comme le souhaitent les administrateurs du musée ? Pour l’instant, mystère…
Au troisième niveau seront présentées des œuvres de la période coloniale (1700-1870), à laquelle on a apposé la thématique de L’identité fondatrice de l’art canadien. Elle fut surtout marquée par le portrait et l’art religieux, mais vit émerger l’école du paysage.
Ce glissement vers une période influencée par les impressionnistes européens mène tout naturellement vers l’étage suivant, qui témoignera quant à lui de l’Époque des salons (1880-1920), avec des artistes tels Ozias Leduc, Alfred Laliberté ou William Brymner.
Le visiteur s’engage ensuite vers Les chemins de la Modernité avec le Groupe des Sept (1920-1930), qui ouvre la voie aux artistes du Refus global et de l’art contemporain (1940-1960). Ceux-ci trouveront leur place au rez-de-chaussée.
La Galerie de la montagne, avec ses 45 mètres de longueur, relie le nouvel édifice au pavillon Jean-Noël Desmarais. Cet espace épuré permettra d’exposer des œuvres plus imposantes qui ont marqué les dernières décennies du XXe siècle, par exemple le fameux Canot à glace signé Riopelle.
Ne sera-t-il pas émouvant de redécouvrir des œuvres trop longtemps soustraites au public, rendues désormais accessibles grâce à un espace qui vient doubler la superficie que le musée consacre à l’art québécois et canadien ? Par ricochet, les expositions d’art décoratif et asiatique profiteront de plus d’espace dans les autres pavillons. L’ouverture de la nouvelle annexe du MBAM offre, en fait, la perspective d’une restructuration de l’ensemble des expositions.
Un quartier comme héritier
En s’engageant dans la restauration de la belle église, c’est un trésor à multiples facettes que la famille Bourgie offre en héritage à Montréal. Maintenant que les travaux sont à peu près terminés, il y a fort à parier que de sa tour, rue Sherbrooke, M. Bourgie pousse quelques soupirs de satisfaction ! Sa famille, les administrateurs du Musée et les architectes de la firme Provencher Roy ont de quoi être fiers de ce fleuron nouveau à l’espace culturel québécois et canadien !