L’exposition intitulée Paris – Beyrouth – Percé jette un regard intime sur une dominante de la création artistique de Simone Aubry-Beaulieu : le dessin.

Originaire de Montréal, Simone Aubry fait des études à l’École des Beaux-Arts de Montréal. Séditieuse, l’étudiante s’insurge contre un enseignement trop conventionnel. Après quatre années d’études, pour avoir ardemment dénoncé l’obscurantisme d’une direction inappropriée à celle d’une École des Beaux-Arts, l’artiste en herbe est contrainte d’interrompre sa formation. Adieu diplôme !

Douce revanche, Simone Aubry obtient, en 1949, le premier Prix de peinture de la Province de Québec. Avec l’inattendu montant d’argent qui accompagne le prix et le modique pécule provenant de la vente de quelques-unes de ses œuvres, Simone Aubry fait l’acquisition, à Percé, d’un terrain sur lequel elle fait édifier une maison. D’année en année, l’été venu, l’artiste y séjourne et, face au Rocher Percé, l’esprit des lieux l’inspire.

Fernand Léger, qu’elle rencontre à New York et revoit à Paris en 1946, devient son professeur. Il lui dira : «Travaillez donc toute seule, allez dessiner dans les ateliers libres, ça vous sera plus profitable.» Et il écrira : « J’ai eu comme élève à mon atelier Simone Beaulieu. Son travail m’a toujours donné satisfaction. Cette élève est extrêmement douée… » De surcroît, elle fréquente l’atelier de Georges Braque qui lui prodigue de nombreux conseils.

Nature morte aux oranges (1942). Huile sur toile, 23 x 38 cm. Montréal, collection particulière

Simone Aubry-Beaulieu trouve à l’École du meuble de Montréal auprès de Paul-Émile Borduas, professeur de dessin libre, un mentor avant- gardiste. Elle conserve précieusement son portrait, peint en 1941 par l’initiateur du manifeste Refus global ; il s’agit de l’image d’une jeune fiancée dont la destinée sera associée à celle de l’avocat Paul Beaulieu, dont la brillante carrière diplomatique transite par Paris, Londres, Beyrouth, Rio de Janeiro, Boston, Damas, Lisbonne, New York, Washington. Ces villes ont valeur d’écoles d’art pour Simone Aubry-Beaulieu qui se consacre pleinement à sa passion : le dessin.

L’œuvre graphique de Simone Aubry-Beaulieu est considérable. L’exposition Paris-Beyrouth-Percé en donne un aperçu.

Elle comprend des dessins de paysages tels que La baie de Rio, 1968 et Percé, vu du Pic de l’Aurore, 1981 ; des compositions florales (Bouquet, 1971). Remarquables sont les dessins d’après modèle tant féminin Clara (Beyrouth, 1960) que masculin Saint-John Perse, (Washington, 1943). Experte à traduire en quelques traits précis la sensualité d’un corps ou l’intensité d’un regard, l’artiste affiche tantôt une étonnante spontanéité dans le geste créateur, tantôt une haute rigueur technique. Une très grande audace caractérise le dessin de Simone Aubry-Beaulieu.

Certains nus : Nu debout, encre sur papier, (Paris, 1944) et Nu de Grania, goudron et huile sur papier (Londres, 1955) et quelques très beaux portraits: Hélène Mc, huile sur papier, (Montréal, 1978) et Réginald B., goudron sur papier (Percé, 1980), enluminent un corpus d’œuvres exécutées, tantôt à l’encre de Chine, au fusain, au stylo- feutre, tantôt au noir d’ivoire, tantôt au goudron, ainsi qu’au goudron enrichi d’un soupçon de térébenthine, combinaison grandement utilisée par l’artiste qui en parle comme de sa « manière noire ». Certains de ces dessins sont considérés parmi les plus importants et les plus significatifs de l’ensemble des créations de Simone Aubry-Beaulieu.