Stanley Février ou l’art au service du changement social
Le Musée national des beaux-arts du Québec a présenté le lauréat de la quatrième édition du Prix en art actuel du Musée national des beaux-arts du Québec. Après avoir fait l’acquisition de son œuvre cette chair en 2019, le musée, en collaboration avec la Fondation RBC, a remis ce prix prestigieux à Stanley Février en septembre dernier : « Face à ces questions de première importance [brutalité policière, santé mentale, migrations, surconsommation…], en lien avec des enjeux politiques, raciaux, humains et culturels, qui secouent les sociétés dans le monde, le travail de Stanley Février vibre avec un à-propos que les membres du jury ont voulu saluer (1). »
Né à Port-au-Prince (Haïti) en 1976, Stanley Février vit et travaille à Longueuil. Le passé de travailleur social a amené cet artiste multidisciplinaire – qui manie le plâtre, crée des installations, des œuvres participatives et interactives – à s’intéresser aux drames humains. Les tueries de masse, les violences policières ou encore les problématiques liées aux migrations sont au cœur de sa réflexion et de sa pratique. Selon l’artiste, « l’art doit avoir un sens critique et doit poser un regard nouveau sur ce qui existe déjà2 », et ne peut pas être dissocié de sa fonction sociale et de sa capacité à changer la société : « Pourquoi je fais de l’art ? Si ce n’est pas pour l’utiliser afin d’apporter des changements, pour moi, ça n’a pas de sens. »
Le prix constitue une reconnaissance, mais est aussi une porte qui s’ouvre sur de nouvelles perspectives. L’artiste a par exemple participé à l’automne 2020 à la foire d’art de Toronto (Toronto’s Art Fair), grâce au partenariat avec la Fondation RBC. Désormais, les réseaux des musées lui sont davantage ouverts, mais aussi ceux des collectionneurs privés.
Une première rétrospective dans un musée
En attribuant le Prix en art actuel à Stanley Février, le MNBAQ s’engage aussi à acquérir une sélection de ses œuvres pour un montant de 50 000 $. Le musée n’a pas encore arrêté son choix sur les œuvres qui seront retenues, mais on sait qu’elles seront présentées dans le cadre de l’exposition solo de l’artiste, qui doit ouvrir en novembre 2021 et s’étaler sur plusieurs mois. Un large éventail du corpus de l’artiste sera présenté au public, dans l’optique de couvrir « sa pratique touffue et volubile3 », telle que la décrit Bernard Lamarche, responsable du développement de la collection et conservateur de l’art actuel au MNBAQ. Si aujourd’hui Février s’exprime davantage avec la sculpture et la performance, il a dans le passé travaillé avec la photographie, la numérisation ou encore l’installation. L’exposition sera l’occasion pour le musée de présenter une rétrospective d’une quinzaine d’années sur son travail. Elle fera également l’objet d’une publication. Dès la fin de l’année 2021, le Musée d’art contemporain des Laurentides (MAC LAU) à Saint-Jérôme proposera à son tour une exposition des œuvres de l’artiste.
Celui qui était l’artiste parrain de l’édition 2020 de l’exposition-encan des Impatients et qui a été nommé Artiste arts visuels de l’année par le Gala Dynastie 2020 est indéniablement à un point crucial de sa carrière.
Stanley Février est un homme qui marche, un artiste qui avance. Un artiste enragé, parfois. Engagé, toujours. Ses projets sont multiples et sa production fourmille d’idées nouvelles : il entend continuer et développer son travail de directeur général et conservateur en chef au sein du MAC invisible4, une plateforme numérique qu’il a mise sur pied en 2016 œuvrant pour la diversité au sein du monde de l’art au Québec et dont le but est de « redéfinir le paradigme du pouvoir5 ». Il projette aussi d’envahir les panneaux publicitaires de plusieurs quartiers de la métropole avec les paroles entendues dans la vidéo filmée par Joyce Echaquan, qui avait fait le tour des réseaux sociaux. Ébranlé par le destin tragique de cette femme atikamekw, décédée le 28 septembre 2020 à l’hôpital de Joliette, Stanley Février affirme : « Je ne peux pas ne pas agir. » Cette œuvre, Dossier classé / Classified File, comprendra aussi une pétition sur la plateforme change.org afin d’exiger que justice soit rendue pour Joyce Echaquan et que soient respectées toutes les communautés. Et du 21 novembre au 21 décembre 2020, la Galerie Rad Hourani (Montréal) présentait sa plus récente exposition, Au commencement était… Alphonse Allais, sur le plagiat et l’appropriation en art.
Celui qui était l’artiste parrain de l’édition 2020 de l’exposition-encan des Impatients et qui a été nommé Artiste arts visuels de l’année par le Gala Dynastie 2020 est indéniablement à un point crucial de sa carrière.
(1) MNBAQ, Nouvelles, 1er septembre 2020 : https://www.mnbaq.org/blogue/2020/09/01/le-4e-prix-en-art-actuel-du-mnbaq-decerne-a-stanley-fevrier.
(2) Toutes les citations de Stanley Février sont tirées d’un entretien réalisé le 24 octobre 2020.
(3) Entretien avec Bernard Lamarche, 24 novembre 2020.
(4) Pour consulter la plateforme du MAC-I : http://mac-i.com/musee.php.
(5) Entretien avec Stanley Février, op cit.