Un pavillon du Canada à la biennale de Venise
DEPUIS 1892, Venise est devenue le centre d’une grande exposition internationale d’art, la Biennale, qui groupe les meilleurs artistes du monde entier. En 1952, le Canada joignit les rangs des exposants; malheureusement, jusqu’au début de l’année en cours, notre pays n’avait à sa disposition qu’une pièce exiguë dans le pavillon italien pour faire connaître ses artistes à l’étranger.
Aussi, a-t-on accueilli, avec joie, la nouvelle de l’inauguration officielle d’un élégant petit pavillon canadien à Venise, le 11 juin dernier. La plupart des autres pays possèdent leur propre pavillon depuis un grand nombre d’années. Il semblait indispensable que le Canada ait le sien, ne serait-ce que pour signifier à l’attention générale notre évolution dans le domaine de l’art. En 1956, le Conseil d’administration de la Galerie Nationale à Ottawa, obtint du gouvernement l’autorisation d’utiliser un fonds de lires gelé en Italie, qu’on réservait à des fins d’avancement culturel et artistique.
Ce fonds avait d’ailleurs été largement entamé, et c’est avec un montant de vingt-cinq mille dollars qu’il fallut envisager la construction du futur pavillon. Somme relativement modeste qui pouvait toutefois permettre à un architecte italien, familier avec le milieu et les problèmes de construction de son pays, d’exécuter le projet. Avec le consentement de l’Ambassade Canadienne à Rome, on fit appel à Enrico Peressuti, jeune et talentueux architecte de Milan. Le critique américain Lewis Mumford, en décrivant la salle d’exposition dessinée par Peressuti pour la compagnie Olivetti, à New York, prédisait à l’architecte qu’il atteindrait un équilibre désirable entre tous ces différents concepts d’avant-garde, malgré qu’il soit toujours en conflit avec Le Corbusier et Frank Lloyd Wright. Depuis 1934, ce jeune italien exerce sa profession à Milan, et entre temps, il enseigne à Yale et à Princeton. Récemment, il a dessiné les plans et surveillé la construction d’un gratteciel de vingt-six étages à Milan, qui offre cette particularité : des étages surplombent la rue à une certaine hauteur, au lieu de subir le retrait
traditionnel. Il fut aussi responsable d’un certain nombre d’aménagements de galeries, au Musée Sforza à Milan.
Le pavillon de Peressuti construit à Venise, selon une conception moderne et originale, satisfait certainement aux voeux des canadiens. L’édifice est aéré avec de larges ouvertures et d’un aspect beaucoup plus attrayant que la plupart des pavillons qui l’entourent. Etant donné l’espace restreint mis à notre disposition entre les pavillons d’Allemagne et de Grande-Bretagne, l’édifice tient un peu du tour de force. Situé face au grand canal, on peut y accéder facilement par l’avenue principale, où se trouvent les pavillons de l’URSS, de la Tchécoslovaquie, du Danemark, du Japon, de la Suisse et du Venezuela. Construit d’après la spirale d’Archimède, hexagone à côtés inégaux, il s’inscrit dans un site ombragé et utilise même deux arbres qui poussent librement à travers le pavillon.
Le choix des artistes pour cette exposition posait un problème délicat, car plusieurs contemporains avaient déjà participé aux trois dernières biennales : Pellan, Archambault, Town, Riopelle, Binning, Borduas et Roberts. Certains pays profitent de cette occasion pour présenter les oeuvres d’artistes maintenant disparus, mais dont l’art a su demeurer vivant. Dans cet ordre d’idée, on a songé aux peintures de James Wilson Morrice, qui n’avaient pas été exposées en Europe depuis plusieurs années. Chez les peintres actuels, on voit des oeuvres de Jacques de Tonnancour, dont les paysages d’hiver exposés à Bruxelles, ont reçu d’élogieux commentaires. La lithographie est représentée par Jack Nichols, qui termine actuellement un séjour d’études à Paris et qui fait partie avec de Tonnancour et Anne Kahane des exposants à la galerie d’art du Pavillon canadien à Bruxelles. Cette dernière d’ailleurs expose aussi à Venise les cinq sculptures suivantes : Délégation, Bras dessus, bras dessous, La file, Tempête de neige, Femme d’Italie.
JAMES WILSON MORRICE, l’un des plus grands peintres canadiens de sa génération, est né à Montréal, le 10 août 1865 et il est mort à Tunis le 23 janvier 1924. Ayant vécu surtout en France, il fut influencé, à ses débuts, par un paysagiste vigoureux, le père Harpignies. Ses premières huiles datent du pays de Galles en 1895, de même que certains paysages de la campagne française. Très tôt, il acquit un style qu’il conserva jusqu’à la fin de sa vie. Les premiers sketches canadiens sont ceux du Saint-Laurent et du Vieux Québec. Morrice revint très souvent au Canada visiter sa famille et des bons amis comme Maurice Cullen et William Brymner. Nomade par excellence, il aimait aussi New-York et la Jamaïque et il profitait de ses nombreux voyages pour esquisser des paysages et des scènes de vie qu’il terminait par la suite dans son atelier de Paris. Personnage pittoresque de la bohème parisienne, ami de Matisse, il exposa au Salon d’automne à Paris, fut membre de l’Académie Royale du Canada et de celle de Londres, de la Société Nationale des Beaux-Arts, de la Société Internationale, etc.