Des rencontres inusitées entre le biologique et le technologique dans l’art de Laurent Lamarche

Laurent Lamarche a toujours été fasciné par la science-fiction. Il s’intéresse en particulier aux mondes fantastiques où la technologie s’introduit dans le vivant et en modifie la nature. D’un projet à l’autre, d’une exposition à l’autre, il décloisonne les disciplines, il amalgame la science et l’art, au point qu’ils se confondent l’un l’autre. Par son travail, il interroge le monde biologique et la matière organique transformée par la fiction, voire par certaines références à l’univers de la science-fiction, pour créer un parallèle nouveau entre le réel et l’imaginaire.

Et qu’arriverait-il si… la technologie s’emparait du biologique ? Les relations ambiguës entre le naturel et l’artificiel sont ainsi mobilisées pour examiner le monde de demain et ses possibilités. Ceux qui ont vu le projet Magnification exposé à la Galerie Art Mûr en 2012 seront à nouveau servis par les trois expositions qui s’échelonneront à partir du printemps. De quoi s’agit-il exactement ? Vie des Arts a rencontré l’artiste dans son atelier afin qu’il décrive sommairement ses projets.

Les différentes installations destinées aux espaces de la Maison de la culture Frontenac, de Circa et du Musée de Lachine se présentent d’une manière dialogique et complémentaire : elles attestent une continuité vers la disparition de l’emprise de l’artiste-scientifique sur la matière, car celle-ci finit par agir d’elle-même et par acquérir son autonomie. Elles offrent en outre au spectateur une série de réflexions concernant l’influence de la technologie low-techhigh-tech, ainsi que de l’artificiel sur le naturel. En effet, un dialogue entre l’artiste et son œuvre, et plus précisément entre ce dernier et le matériau transformé par l’homme qu’est le plastique, s’avère récurrent dans le travail de Lamarche. Ces matériaux malléables qui sont assemblés, chauffés, étirés, courbés, voire tordus, suscitent des expériences sensorielles et visuelles étonnantes qui suggèrent au spectateur de repenser la nature qui l’entoure.

Les œuvres de l’exposition Fossile constituent un tour de force sculptural : Lamarche grave le plexiglas afin de créer des micro-organismes qui émergent, à la limite du vivant et de la mécanique. L’exposition plonge le spectateur dans le noir, où ces êtres hybrides semblent acquérir leur mobilité de la lumière qui diffuse à travers eux, c’est-à-dire entre les sillons creusés dans le support de plastique. Une ambiance sonore sans rythme immerge l’installation dans des bruits aléatoires et électroniques, qui font référence à la fois à une vie sous-marine artificielle et à des erreurs informatiques d’un ordinateur, suggérant ainsi une atmosphère inquiétante, une vision futuriste.

Si l’outil de l’artiste façonne l’objet et laisse sa trace dans l’exposition présentée à la Maison de la culture Frontenac, le projet Plastifiction, au Musée de Lachine, met en lumière quant à lui tout le potentiel de détournement de débris plastiques : le spectateur étant d’abord confronté à une projection lumineuse et circulaire sur laquelle est agrandi un insecte dont l’aspect transparent n’est pas sans rappeler un micro- organisme étudié à travers la lentille d’un microscope, il sera surpris de constater que la source de cette image est en fait un assemblage de plastique translucide sculpté par l’artiste. Cette démarche reflète le travail de Lamarche dans lequel des matériaux récupérés et déjà modifiés par l’humain retournent à un état naturel, brut et plus organique, la transfor­mation s’effectuant ainsi rétroactivement.

Enfin, la représentation de la science dans l’art s’effectue à un niveau autre dans Diffraction, où l’aléatoire prime sur le contrôle, où l’œuvre crée et se crée d’elle-même. Douze lasers traversent un résidu de plastique suspendu au milieu de la pièce pour se répandre et se mouvoir grâce aux courants d’air ambiants de manière arbitraire sur les murs couverts de faisceaux rouges, simulant alors des fractales linéaires créées par ordinateur. C’est la lumière et l’évanescent mêmes qui, cette fois, donnent à voir les transformations entre microscopique et macroscopique.

La production de Laurent Lamarche est prolifique, et son inspiration pour le domaine du possible se renouvelle constamment. Déjà, une nouvelle idée se dessine à la suite de ces trois expositions en galerie : celle d’un projet d’art public cette fois… 

LAURENT LAMARCHE FOSSILE
Maison de la culture Frontenac, Montréal
Du 12 mars au 21 avril 2013

DIFFRACTION
CIRCA, art actuel, Montréal
Du 6 avril au 4 mai 2013

PLASTIFICTION Dans le cadre de l’exposition Débordements
Commissaires : Serge Fisette et Jocelyne Connolly
Musée de Lachine
Du 1er mai au 24 novembre 2013