Galerie Hugues Charbonneau. Authenticité et éclectisme
Émilie Granjon – Quel est votre parcours ?
Hugues Charbonneau – Au cégep, je travaillais dans ce qui est aujourd’hui appelé le Musée des Laurentides. J’y enseignais l’art aux jeunes enfants et je surveillais les salles du musée. Ensuite, j’ai étudié à Concordia en arts visuels, plus spécifiquement en sculpture. Puis, je me suis investi dans les centres d’artistes, notamment SKOL. J’ai aussi fait plusieurs publications alternatives, comme La petite enveloppe urbaine, Carte blanche, etc. Après cela, je suis allé dans le privé, à la Galerie Joyce Yahouda, à la Galerie de Bellefeuille et, finalement, à la Galerie Division.
Quels sont les désirs et les choix qui ont motivé l’ouverture de votre galerie ?
J’avais une envie de plus en plus pressante de travailler de façon plus symbiotique avec les artistes, de leur donner beaucoup de liberté. Dans les projets immenses, c’est très difficile de faire ça. En ouvrant ma propre galerie, plus petite, je pouvais plus facilement donner carte blanche aux artistes. Bien sûr, il y a la volonté de les soutenir et de les accompagner, mais aussi, et avant tout, en tant que spectateur, je voulais me faire plaisir.
Quelle est votre vision de l’art actuel ?
Ce qui m’intéresse est moins le médium que le contenu. Ce qui attire mon attention, ce sont surtout des attitudes, des valeurs et des idées. Quiconque regarde la programmation sur le site Web se rendra compte qu’il n’a y pas forcément de ligne directrice. Entre le travail de Benoit Aquin, qui a une grande conscience sociale où la société est représentée, et des œuvres comme celles de Tammy Campbell ou de Jean-François Pouliot, qui réfléchissent plus sur les aspects formels et l’histoire de l’art, il y a un éventail fantastique. C’est très éclectique, mais je dirais que tous les artistes représentés à la galerie sont en constante évolution et extrêmement dédiés à leur pratique ; ils ne font pas semblant.
Qu’est-ce que cela prend pour ouvrir une galerie ?
Avant tout, il faut être débrouillard et multidisciplinaire. Il est important de s’être sincèrement intéressé au milieu de l’art depuis quelque temps pour bien le connaître. Cela permet de savoir quels sont les commissaires, les collectionneurs et les artistes qui partagent nos affinités, nos idées, nos valeurs, nos aspirations.
Comment définiriez-vous le milieu de l’art montréalais versus celui de Toronto et de New York ?
J’ai eu la chance de travailler sur chacun des trois marchés, et tous fonctionnent différemment. À New York se trouvent les grosses industries de l’art qui brassent des milliards de dollars, avec des lois et des dynamiques financières qui défient l’imagination. En termes de chiffre d’affaires, Toronto est plus important que Montréal. En moyenne, les collectionneurs montréalais ont des goûts moins contemporains que les collectionneurs torontois, mais certains Montréalais ont des goûts beaucoup plus actuels que la moyenne des Torontois. Ils n’ont pas peur de quoi que ce soit en termes de contenu et sont très ouverts d’esprit. Ce sont des collectionneurs fantastiques. On est très chanceux de ce point de vue. On est également chanceux d’avoir des centres d’artistes, des universités et des subventions qui permettent aux artistes d’avoir des pratiques plus expérimentales. Comme galerie, il nous faut travailler avec tous ces gens-là. C’est fabuleux que les artistes représentés par ma galerie puissent exposer en centre d’artistes et aillent chercher des ressources pour faire de la recherche et de l’expérimentation. À New York, il est rare que les artistes aient accès à une telle diversité de ressources.
Quelles sont les qualités que doit avoir un directeur de galerie aujourd’hui ?
Curiosité, honnêteté, capacité de communication, patience, fidélité et confiance en ses artistes.
Quelles sont les qualités que vous recherchez en tant que directeur chez les artistes que vous représentez ?
Goût du risque, développement, rigueur. Chez chacun d’eux, il y a une authenticité et un parcours qui les ont menés là où ils en sont aujourd’hui. Je sens qu’ils ne se répètent pas, qu’ils cherchent, qu’ils bougent et avancent. J’admire leur capacité d’adaptation.
Galerie Hugues Charbonneau
Édifice Belgo Local 308 372, rue Sainte-Catherine Ouest
www. huguescharbonneau.com