Les coups de cœur d’un collectionneur
En 2012, pour le plus grand plaisir des amateurs d’art, Jacques Champagne a rendu publiques quelques-unes des magnifiques pièces principalement formalistes et minimalistes de sa collection privée à la Maison de la culture Rosemont–La Petite-Patrie lors de l’exposition Collectionner pour la forme. Avec Autour de l’UQAM, il invite à découvrir une autre facette de sa personnalité artistique à travers une sélection hétéroclite d’œuvres sur papier, de peintures et de sculptures, produites par 14 artistes issus de l’UQAM. Le fil conducteur de l’exposition ? Ce sont tous des artistes-coups de cœur du commissaire, qui a voulu les réunir « sans autre préoccupation que de montrer leur créativité et de souligner leur pluridisciplinarité ».
Faute de pouvoir tous les présenter, voici un bref aperçu du travail de trois d’entre eux.
L’œuvre d’Ivan Lassère témoigne d’une grande maîtrise de la peinture et d’une connaissance pointue de l’histoire de l’art. Les citations formalistes, surréalistes, dadaïstes, pour ne citer que celles-là, tapissent ses tableaux, créant une iconographie hétéroclite qui n’est pas pour autant éclatée. En se réappropriant ces courants, il leur donne un dynamisme, les investit d’une vision très personnelle, et crée son propre langage pictural, sa propre poésie. Dans Le drapeau, la mixité des styles accueille l’hybridité figurative sous la forme d’un être asexué quadrupède dont la main droite brandit un drapeau au blason inconnu. Les rais rouges qui marquent et traversent ce corps en mutation ancrent le récit du tableau dans un événement particulièrement noir de l’Histoire : la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. L’artiste réussit dans un langage poétique subtil à conjuguer avec une certaine aisance des considérations artistiques, historiques et scientifiques, et ce, en inscrivant ces scènes dans un maillage temporel incertain.
La science trouve chez Marie-France Légaré d’autres voies d’exploration. L’artiste propose, grâce à ces Variations sur la forme, quatre installations au cœur desquelles trône un moulage en faïence inspiré d’un casque de guerre. Son aspect, sa disposition et son orientation confondent la perception que l’on en a et l’identité qu’on lui attribue. Est-ce un casque ou un crâne ? Cette double identité permet à l’artiste de convoquer un fort potentiel narratif propulsé par un jeu d’inversion particulièrement éloquent entre plusieurs polarités conceptuelles : intérieur et extérieur, contenant et contenu, concret et abstrait. Alors que dans Variation sur la forme : casque-crâne, récit de la robe verte, des fils rouges sortent du dessus de la boîte osseuse, recréant l’activité électrique du cerveau grâce aux connexions rhizomatiques neuronales ou le système sanguin (c’est selon !), dans Variation sur la forme : crâne #6, la cavité crânienne trépanée en son sommet permet de voir un montage vidéo d’objets animés et de prises de vue sous-marines. À l’instar d’un scientifique quelque peu voyeur, nous avons accès aux pensées, aux émotions ou aux secrets de l’individu !
Chez Fanny Parent, l’individu est convoqué dans un rapport aux objets qui l’entourent et / ou qui lui appartiennent. Les collections de spécimens qu’elle photographie sont d’un réalisme bouleversant. L’artiste élabore et construit son travail « à partir d’objets trouvés, de reliques et d’éléments naturels ayant marqué symboliquement un événement, un endroit ou une personne ». D’aucuns pourraient dire qu’elle donne un second souffle à ces objets oubliés ou en fin de vie, à ces petites choses qui passent inaperçues, mais qui pourtant constituent et façonnent notre environnement. L’artiste préfère y voir une manière de conserver la trace d’un événement ou d’une personne. Mr. Gauthier, impression numérique sur papier de riz donnant à voir cinq marguerites bleues fanées, fait œuvre de mémoire puisqu’elle symbolise, et en même temps conserve, la trace d’une rencontre de l’artiste avec un certain monsieur Gauthier. Le renversement narratif de la fleur fanée est saisissant puisqu’ici il ne signifie pas une fin de vie ou une deuxième vie, mais bien un « laisser vivre » une rencontre.
L’exposition Autour de l’UQAM réunit 11 autres artistes qui méritent, eux-aussi, d’être découverts !
AUTOUR DE L’UQAM
Commissaire : Jacques Champagne
Galerie D’Este, Montréal
Du 13 juin au 7 juillet 2013