Date de tombée : 20 mai 2024

no. 276 – Automne 2024 (parution 25 novembre)

Au cours des dernières années, de plus en plus de contenus traitant de l’occulte et des pratiques ésothériques séculaires se sont infiltrés dans nos quotidiens. Dans un article publié sur la plateforme blogue du Huffington Post, l’autrice Pamela J. Grossman a surnommé 2013 « the year of the witch » (l’année de la sorcière), décortiquant la symbolique du chiffre 13 ainsi que le parallèle entre les jalons du féminisme contemporain et la résurgence de la figure de la sorcière dans la culture populaire. En faisant référence à l’apocalypse de 2012 du calendrier maya, l’autrice demande : « En cette ère postapocalyptique, à quelle lueur peut-on se raccrocher ?[1] » La fin du monde, qui s’est déjà produite il y a plusieurs siècles et se poursuit encore aujourd’hui, porte un visage bien connu sous les régimes génocidaires des colons au seins de plusieurs continents. Cette question posée par Grossman, toujours pertinente, surtout en cette époque « postpandémique », suscite la réflexion chez nombre de gens. L’activiste et écrivaine adrienne maree brown, notamment, l’évoque dans un récent recueil de textes, en disant : « [L]’acte de sorcellerie implique de mettre notre attention au service de nos intentions. Et d’être prêt·e à solliciter les forces invisibles du monde […] pour qu’elles convergent vers le plus grand bien pour nous-même et l’ensemble de la société[2]. » Si la sorcellerie est ancrée dans l’action sociale, que sommes-nous donc en train d’invoquer pour notre futur proche ? La résurgence des traditions divinatoires dans notre société témoigne d’un attrait soutenu envers elles : leur omniprésence permet d’envisager certains enjeux sociopolitiques, économiques et psychosociaux sur lesquelles elles prennent appui, tentant même parfois d’y répondre. Les incantations de bienveillance et de résistance qui fleurissent actuellement illustrent une contemporanéité en mutation, une conscience communautaire ébranlée. L’on peut donc conclure qu’un nouvel ensorcellement est possible.

De la réappropriation des dons ancestraux pour les un·e·s au retour aux savoirs précoloniaux pour les autres, ces méthodes permettent l’intégration de systèmes de croyances allégeant le poids de la violence des modèles hétéropatriarcaux et capitalistes qui régissent nos sociétés. Mais qu’en est-il du milieu culturel ? Si les artistes expriment le désir d’atteindre un bien-être qui fait écho à ce besoin de guérison collective, comment ces pratiques se manifestent dans ce domaine? Et qu’en sont les répercussions ? Par l’intermédiaire de multiples dispositifs – performance de rituels, introduction à la méditation ou à la thérapie somatique, confection d’autels de recueillement, manipulation de symboles ou de matériaux à connotation religieuse, offre de plantes médicinales et de talismans, ou vidéos archivistiques sur des pratiques immémoriales –, les artistes créent un espace pour se reconstruire. En ces ouvertures contemplatives, la vulnérabilité, le savoir ancestral, la compassion et la tendresse deviennent des catalyseurs décoloniaux.

À mesure que l’appropriation de pratiques et de préceptes spirituels et médicinaux autrefois condamnés et méprisés gagne du terrain dans notre culture contemporaine, nombre de questions voient le jour. Quel est le rôle de ces traditions  à notre époque ? Qu’activent-elles et que nourrissent-elles au sein de notre tissu social ? Quels sont les disciplines ou les courants artistiques qui, en passant par l’ésotérisme et les méthodes de guérison alternatives, participent à la production de nouveaux langages transformateurs ? Plus qu’une simple tendance, cette métamorphose culturelle est profondément enracinée dans le réengagement d’une pratique de soin personnel qui, par extension, devient communautaire. Elle inclut aussi l’émancipation des peuples historiquement dépossédés et leurs revendications de souveraineté territoriale et physique. L’occultisme génère des canaux spirituels transformant nos récits de science-fiction en réalité, tout en répondant à un désir profond d’affectivité.

Cet appel de textes vise à recueillir des points de vue divers sur la genèse ou les nombreux débats qui entourent l’intégration de la médecine alternative, de la sorcellerie et de l’ésotérisme dans les pratiques artistiques féministes et queer, entre autres, mais aussi à approfondir la compréhension de leur portée sociale et de leur rôle politique dans notre époque en constante évolution.


Toutes les soumissions pour le dossier doivent comprendre une note d’intention en lien avec la thématique, incluant le sujet visé et l’angle d’écriture souhaité (entre 350 et 500 mots), trois extraits de textes antérieurs (publiés ou non) ainsi qu’une courte biographie de l’autrice ou de l’auteur (25 mots). Les documents doivent être fournis en un seul PDF respectant la nomenclature « NOM_appel_DT276 », à info@viedesarts.com avant le 20 mai 2024.


[1] Pamela J. Grossman, « The Year of the Witch », Huffington Post (15 juillet 2013, mis à jour le 14 septembre 2013), https://www.huffpost.com/entry/the-year-of-the-witch_b_3599081.

[2] Traduction libre. « [The] act of witching is about putting our attention behind our intentions. And being willing to invite and shape the unseen forces of the world […] to align with the highest good for ourselves and the whole. » adrienne maree brown, « Introduction », dans Fables and Spells. Collected and New Short Fiction and Poetry (Chico : AK Press, 2022), p. 1.