Les douze artistes qui ont pris part au 34e Symposium d’art contemporain de Baie-Saint-Paul ont traité avec une application et une docilité exemplaires le thème Mobilités que leur a proposé la directrice artistique, Marie Perrault. Sans surprise, ils se sont partagé les sous-thèmes du voyage, du déplacement, de la migration, du transport de marchandises, de la représentation cartographique. La facture des œuvres qu’ils ont produites est d’excellente qualité et témoigne du très bon niveau technique et de la grande habileté de ces artistes. Doit-on se plaindre d’un tel degré de perfection ? Certes non !

Les faiblesses sont d’un autre ordre : elles tiennent principalement aux modes de traitement des sujets. Par exemple, sur un plan pratique, deux artistes proposent des vidéos qu’ils offrent de visionner sur les modestes écrans de leur ordinateur portable : de tels supports ne sont pas adaptés à un espace public aussi vaste qu’une patinoire. Impossible dans ces conditions d’adhérer au charme de la déambulation hollywoodienne Rue Saint-Adolphe filmée par Anne-Sophie Turion, impossible de voir autre chose qu’un canular d’écolier dans les gesticulations des passants captées par la Candid Camera de Patrick Beaulieu. Sur un plan idéologique, il est de bon ton de dénoncer le réchauffement climatique qui affecte la migration des oiseaux, l’urbanisme sauvage qui prive les citoyens d’un accès aux rives du fleuve, la relative tiédeur de l’accueil réservé aux réfugiés. À cet égard, les tracés de Geneviève Chevalier sont ceux d’une ornithologue amateur, la vue photographique aérienne de l’autoroute longeant la côte de Beauport d’Eveline Boulva, bien que très subtile, ne rappelle pas moins une réplique tirée de Google Earth, l’incrustation de personnages exotiques dans la peinture de Thibault Laget-ro accuse à tort l’indifférence des habitants de Baie-Saint-Paul pour d’éventuels hôtes étrangers.

Certes, le court-métrage d’animation projeté sur un grand écran de Samuel Breton (Prix du public) mettant en scène la botte Eskimo de Sorel « qui n’a rien d’inuit et qui est fabriquée en Ontario » a au moins le mérite d’être divertissant.

Mon coup de cœur cependant va à l’instal­lation de Michèle Mackasey, fruit d’une série d’authentiques interactions. L’artiste a affiché les vœux exprimés par des itinérants : manger, avoir un toit, des enfants… Sous forme de dessins colorés, elle a fait transposer ces souhaits par des visiteurs. Elle a intégré les dessins dans des maisons miniatures de plexiglas (des boîtes pour CD) suspendues côte à côte par des fils : c’est émouvant et beau.

Sans être bouleversantes, les autres propo­sitions du Symposium comportent un brin de fantaisie qui les distingue : les paysages croqués sur toile par Nicole Bauberger tous les 50 km le long de la route transcanadienne, les sculptures cinétiques de Camille Bernard-Gravel dont les agitations scintillantes au moindre souffle d’air traduisent la mobilité (sic) des plantes, l’impressionnante linogravure (200 x 200 cm) de Frédéric Cordier représentant en détail une vue portuaire, les dessins monochromes post-automatistes de Guillaume Adjutor Provost, l’installation très chatoyante de Momar Seck, composée d’une bonne centaine d’embarcations de fortune (miniatures), partiellement faite à partir de canettes et le concours de visiteurs.

Si la qualité technique est au rendez-vous du Symposium, il lui manque encore le caractère spectaculaire qui attirerait un public plus large sans éloigner pour autant les connaisseurs. L’année prochaine peut-être ? Il y sera question de l’avenir. 

34e Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul
Direction artistique : Marie Perrault
Du 29 juillet au 28 août 2016