Albert Dumouchel, le précurseur et ses émules
Quatre membres de l’Atelier Circulaire ont convié soixante-sept graveurs qui composent le Collectif 50/50, afin de rendre hommage à Albert Dumouchel. L’exposition Dans les traces d’Albert Dumouchel, maître graveur témoigne de l’influence de cet immense créateur et diffuseur culturel qu’a été Albert Dumouchel, né il y a cent ans, le 15 avril 1916, à Salaberry-de-Valleyfield dans le quartier ouvrier de Bellerive.
Les œuvres des 67 artistes participant à l’exposition Dans les traces d’Albert Dumouchel, maître graveur vont de la tradition la plus ancienne du bois gravé aux techniques les plus contemporaines en art imprimé. Elles attestent le rayonnement direct ou indirect de l’enseignement du maître, l’artiste graveur le plus célèbre de l’histoire de l’art québécois. Sa chaleur, sa cordialité, son authenticité demeurent dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyé. Par son engagement pédagogique ainsi que par sa production créatrice, il s’est fait le précurseur d’un renouveau artistique dont le rayonnement se poursuit encore. Cette influence déterminante s’est propagée au cours de ses vingt années d’enseignement.
Sous le signe de l’échange
Son aventure pédagogique s’est amorcée en 1942. Il prend alors en main l’atelier de peinture du Collège Saint-Thomas d’Aquin de Valleyfield qu’il dirigera jusqu’en 1949, et accepte un poste de professeur à temps partiel à l’École des Arts graphiques de Montréal où il enseignera le dessin, l’histoire de l’art, la publicité et la photographie. C’est là qu’il se découvre une passion pour l’enseignement de la gravure sous toutes ses formes et qu’il établit un atelier de gravure que l’on admire dans tout le Canada et dont il sera le directeur artistique jusqu’en 1960. Il enseignera ensuite à l’École des Beaux-Arts de Montréal jusqu’en 1969 : il y peaufine sa pédagogie en dotant son atelier de gravure d’un équipement technique diversifié qui, au fil des années, contribuera à sa renommée internationale.
Albert Dumouchel est un pédagogue hors pair certes soucieux de la qualité technique des créations, il n’impose néanmoins aucun style artistique. Avec lui, tout se déroule sous le signe de l’échange. Il a ainsi communiqué à ses étudiants son amour du métier et son savoir ; à leur tour, ils ont formé d’autres graveurs qui assurent la relève aujourd’hui. Parmi les artistes qui ont suivi son sillage, on compte certaines étoiles : Roland Giguère, Peter Daglish, Richard Lacroix, Robert Savoie, Serge Tousignant, Pierre Ayot, Yves Gaucher. Derrière eux, les artistes sélectionnés pour l’exposition donnent une idée de l’extraordinaire constellation de talents qui s’est épanouie. Les indéniables qualités d’animateur ont peut-être surpassé toutes les autres chez cet homme aux multiples talents : musicien, photographe, peintre, artiste dans tous les sens du terme et ardent promoteur de l’art de l’estampe au Québec.
La reconnaissance nationale et internationale
Au Canada, le public amateur d’art reconnaît la valeur artistique de la gravure en tant qu’art majeur dès le milieu des années 50. Les innovations esthétiques dont témoignent les estampes exposées à cette époque attirent vite l’attention des experts étrangers. Les expositions nationales et internationales se multiplient et les estampes canadiennes sont acclamées. L’intérêt renouvelé d’un vaste public pour la gravure se traduit au Québec par un nombre de plus en plus grand de galeries commerciales spécialisées dans l’estampe (Galerie Agnès Lefort, la Galerie 1640, la Galerie Camille Hébert), par la création d’ateliers dans les universités et par l’apparition d’ateliers d’arts graphiques issus de regroupements de graveurs : Engramme, l’Atelier de l’Île ou l’Atelier Circulaire dont quatre de ses membres sont les initiateurs de l’exposition montée en hommage à Albert Dumouchel.
Au milieu des années 60, le Québec compte plus d’ateliers communautaires que n’importe quelle autre province canadienne. Parmi eux, figurent l’Atelier libre de recherches graphiques et la Guilde Graphique fondés par Richard Lacroix qui ouvrent respectivement leurs portes en 1964 et 1966 et l’Atelier Graff que lance Pierre Ayot en 1966. Durant les années 60, à mesure que le nombre d’étudiants augmentait et que les départements d’arts visuels se développaient, les universités se sont équipées de mieux en mieux ; elles ont recruté des professeurs compétents issus de la pédagogie « Dumouchel ». Fidèle reflet de l’importance de la communauté des graveurs d’art, la BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) a fait l’acquisition de nombreuses estampes québécoises. Enfin, en 1989, l’instauration du Prix Albert Dumouchel a permis de soutenir l’engouement pour la gravure dans les universités et les cégeps du Québec.
Une œuvre prolifique
Albert Dumouchel, par la qualité de son œuvre, a fortement contribué à hausser la réputation de la gravure québécoise en participant et en faisant participer d’autres artistes à des expositions à l’étranger. Son apport à l’art de l’estampe s’étend d’ailleurs de façon imposante outre-frontières : Paris, New York, Venise, Rio de Janeiro, Sao Paulo, Tokyo, Berlin, Milan, Liège, Spolète, Cracovie et Ljubljana. Dumouchel y présente toutes les facettes de son art en exposant tantôt des peintures, tantôt des dessins, des gravures ou des photographies. La critique est unanime sur l’importance de cet artiste.
Sa production artistique échelonnée sur trente ans est gigantesque : dans le tapuscrit du catalogue raisonné de Dumouchel conduit par Ginette Deslauriers, sont répertoriées 2135 œuvres : peintures, dessins, gravures et sculptures. Une telle polyvalence atteste l’absolue liberté créatrice de l’artiste ainsi que le pluralisme de son inspiration à l’image de son ouverture d’esprit.
Les œuvres d’Albert Dumouchel font partie des collections des plus grandes institutions nationales et internationales, privées et publiques. Albert Dumouchel est aujourd’hui reconnu comme l’un des personnages-clés de l’histoire de l’art du Québec.
Dans les traces d’Albert Dumouchel, maître graveur
Maison de la culture Villeray− Saint-Michel−Parc-Extension, Montréal
Du 24 novembre 2016 au 15 janvier 2017