Développé au plus fort de la crise pandémique, le programme d’auto-résidence d’AXENÉO7 a donné l’occasion à Lieven Meyer de produire un nouveau corpus grâce aux techniques de moulage. Les œuvres qui en découlent sont exposées dans les espaces communs (couloirs, hall, etc.) du centre d’artistes gatinois, ainsi que sur le toit et dans un boisé environnant. Leur présentation met en tension la déconstruction des symboles et leur réappropriation, ainsi qu’un regard critique sur l’histoire et sur les systèmes qui nous régissent, des axes de recherche qui parcourent la pratique de l’artiste.

Les sculptures réfèrent dans un premier temps à Meyer lui-même, dont la figure a été moulée par une technique rappelant le masque funéraire, qui a été pendant longtemps la seule empreinte possible du visage. Son aspect tronqué et son positionnement au sol amènent aussi à l’esprit le masque de procédure omniprésent dans l’espace public, source de l’anxiété générale auquel le titre réfère (Anti Sculpture Angst Therapy). Devenu une sorte de paravent stylistique à la crise sanitaire (derrière lequel sont cachées les conséquences sociales, économiques, etc.), le symbole du masque est ici réappropriépar l’artiste qui le ramène à son image, tout en évoquant les fonctions rituelles ou sociales (voire thérapeutiques) qui ont historiquement marqué son usage.

Lieven Meyer, Anti Sculpture Angst Therapy - Rooftop Structure (2021)
Lieven Meyer, Anti Sculpture Angst Therapy – Rooftop Structure (2021) Cire colorée, mousse d’uréthane, métal, bois, lumière, 30,48 x 30,48 x 20,32 cm. Photo : Jonathan Lorange

Les mêmes mécanismes de réappropriation et de détournement sont en jeu dans l’autre partie du corpus, développée autour d’un monument allemand érigé au cours du Troisième Reich, depuis décontextualisé mais laissé visible dans une ville du nord du pays. Le moulage qu’en fait Lieven Meyer est en caoutchouc malléable, ce qui donne lieu à de multiples déformations causées autant par l’inexactitude du moule que par ses interventions et ses choix. Parmi les déclinaisons de ces moulages se trouve une sculpture de cire présentée sur le toit du bâtiment, explicitement destinée à changer, voire à fondre, au gré du soleil, de la chaleur estivale et des éléments.

La déconstruction (ou la destruction) de l’œuvre d’origine, de plus en plus distanciée de son histoire, est donc poursuivie par un choix de matériaux qui en accentuent l’impermanence et la dégradation.

La déconstruction (ou la destruction) de l’œuvre d’origine, de plus en plus distanciée de son histoire, est donc poursuivie par un choix de matériaux qui en accentuent l’impermanence et la dégradation. À l’intérieur, dans les couloirs, se trouvent également des versions du même moulage présentées morcelées, tordues ou aplaties dans des paniers d’épicerie. Puisque Meyer comprend de toute évidence la force des symboles, le caddy comme image de la consommation et du capitalisme à opposer au totalitarisme, et le banal des courses quotidiennes juxtaposées à la grandeur du monument, apparaît comme un ultime renversement. Mais plutôt que d’opérer dans le registre des oppositions, les choix de mises en espace de Meyer ont l’air de relever davantage d’une forme de jeu, d’un soupçon de dérision ou d’humour nous indiquant que son regard se porte avec la même acuité tant sur l’histoire que sur la société actuelle, il n’y a pas si longtemps obsédée par les ruptures de stock dans les grandes surfaces (peut-être une autre cause d’anxiété).

Dans un espace boisé, sorte de terrain vague attenant à AXENÉO7, sont presque cachés quelques moulages de têtes qui paraissent aléatoirement disposés sur place. Lors de notre passage, il était manifeste que certains avaient été déplacés par les passantes et les passants, sans que cela inquiète trop l’artiste. Cela nous a semblé une fin heureuse, pour ce travail qui concerne si justement le détournement, la réappropriation et la création de nouvelles formes. 


(Résidence)
Anti sculpture angst therapy,
Lieven Meyer
« Auto-Résidence »
Axenéo7
Du 16 Juin au 26 Septembre 2021