Carla De Livry
Sensualité des fauves de l’asphalte
Inaugurée pendant la semaine du Grand Prix de Montréal au cours du mois de juin, l’exposition d’œuvres de Carla de Livry se présente comme un rhapsode de la vitesse ; en l’occurrence, elle évoque le pouvoir de séduction de la marque Ferrari.
Une première lecture des peintures et des créations graphiques de l’artiste s’accompagne d’un sentiment de vertige, certainement attribuable à l’émoi que suscite la proximité des mécaniques raffinées et sensuelles des Formules 1, fauves de l’asphalte aux robes féminines. Les modulations du mouvement, stimulées par la couleur et le dessin, restituent la dynamique des véhicules et épousent le thème de la vitesse, calquant à s’y méprendre l’ambiance des courses automobiles.
Cependant, Carla de Livry atteint une profondeur esthétique qui va au-delà des simples critères décoratifs. Une observation attentive de ses toiles révèle la force de leur composition d’où se dégage l’assurance interne du jeu des couleurs et des formes : aucun élément superflu ne s’immisce dans le tableau. Visions fragmentaires, succession de plages et de taches colorées cernées ou non par des contours, les œuvres de Carla de Livry se situent dans le registre de l’abstraction lyrique avec la particularité d’exalter un frisson propre au sentiment de vitesse.
Un autre niveau de regard révèle la filiation baroque et rococo des œuvres. Cette filiation se manifeste par la juxtaposition et le chevauchement de lignes et de formes courbes ou ondulées qui se poursuivent, une recherche d’un trompe-l’œil soutenu par le recours à des effets visuels particulièrement rapprochés les uns des autres. Et bien sûr, la sensation de vérité tient à la maîtrise des techniques de réalisation : photogravure, sérigraphie, peinture, monotype.
On pourrait imaginer que ce goût du baroque provient de l’héritage culturel de l’artiste. En effet, née au Canada, elle a effectué des séjours réguliers au cours de sa jeunesse en Tchécoslovaquie et en Autriche. Guidée par son père, elle s’est familiarisée avec l’architecture et l’art de cette région d’Europe qu’était la Bohême.
L’artiste a été portée à voir dans l’harmonie une qualité essentielle de l’œuvre d’art. Elle avoue d’ailleurs un peu candidement : « Dans mes œuvres, je poursuis inlassablement la beauté ». Sans doute est-elle influencée dans cette recherche par son éducation musicale. Pianiste de concert, Carla de Livry transpose trilles et arpèges en vrilles et spirales chromatiques. « Lorsque vous connaissez la structure du processus de composition, vous gagnez une grande liberté de mouvement », estime l’artiste. Ainsi, pour transmettre la sensation que provoque la carrosserie d’une automobile lancée à grande vitesse, elle mise sur une palette où se concurrencent des rouges, des bleus, des violets, des verts en des jeux de tonalités semble-t-il encore jamais vus. Carla de Livry poursuit donc une exploration picturale inspirée par un esprit classique, en accordant une large place aux signes du monde contemporain.
CARLA DE LIVRY FURIE – L’AMOUR DE LA COURSE
Galerie d’Arts Contemporains, Montréal
Du 5 au 21 juin 2011