Enfin une exposition sur David Nash ! La Galerie Simon Blais présente un ensemble de sculptures et de dessins qui donne un aperçu substantiel de l’œuvre de l’artiste britannique. Une œuvre monumentale, dans tous les sens du terme, dont la Galerie a acquis avec enthousiasme, depuis plusieurs années, d’importants spécimens.

Né en 1945 dans le Surrey, David Nash est un sculpteur prolifique qui compte quatre décennies de production et dont les œuvres occupent les musées et les parcs du monde entier. Centrée sur le bois dès le début de sa carrière, sa démarche a pris une tournure originale et radicale lorsqu’il a décidé, vers la fin des années 1970, de travailler directement à partir d’arbres ou de fragments d’arbres condamnés dont il dispose chez lui, à Blaenau Ffestiniog, dans le nord du Pays de Galles, ou qui lui sont confiés ailleurs dans le monde. Le fait d’utiliser la nature comme premier matériau, d’œuvrer in situ, inscrit sa production dans la mouvance du land art dont des artistes comme Richard Long, Andy Goldsworthy, Hamish Fulton, britanniques également, sont aussi des représentants bien connus sur la scène artistique mondiale.

Une légèreté proche de la calligraphie

La moindre œuvre de Nash suggère le principe qui anime chacune de ses réalisations : la complicité avec la nature. Chaque arbre dont il extrait ses sculptures fait l’objet d’une longue observation, suivie d’un chantier pouvant durer plusieurs mois. Une sculpture comme Leaning Sliced Egg (2011) confirme son approche holistique. Si elle n’a pas la monumentalité des grandes pièces de trois mètres de haut exposées à l’extérieur, elle contient la plupart des caractéristiques de son travail : l’aspect brut qui rappelle encore l’arbre à peine écorcé ; la forme d’œuf qui renvoie au principe de renouvellement de la vie ; le biomorphisme ; la présence de fissures qui expriment avec éloquence l’activité du bois qui sèche. Pour découper ses formes, Nash s’est toujours servi des outils traditionnels employés pour le bois, auxquels il a ajouté la tronçonneuse. Fort d’une longue expérience, il taille dans son matériau comme dans un tissu encore vivant dont il prévoit l’évolution en tant que sculpture, mais il réserve aussi une part importante à l’imprévisible. Examinée de près, chaque sculpture se révèle le théâtre de fissures et de craquelures qui enrichissent sa forme. Cut Through Panel (2013) est un véritable travail de dentelle exécuté sur un fragment de séquoia. Ayant visité en 1975 une exposition d’art inuit, l’artiste a souligné lui-même la similarité entre sa démarche et celle appliquée à la sculpture inuite traditionnelle : la création selon des contraintes imposées par une forme existante.

Les sculptures de Nash sont parfois noircies par un procédé de carbonisation, qui modifie partiellement ou totalement leur aspect. Ainsi, la sculpture monumentale Black and Light (2007) a été calcinée en de nombreux endroits, elle acquiert au passage une nouvelle minéralité qui établit un rapport plus distancé avec le matériau. L’aspect brûlé perturbe notre familiarité avec le bois, comme on le voit en particulier avec la sculpture Charred Downpour Block (2006), faite de chêne brûlé.

Le rouge et le noir

La décision de carboniser la surface de certaines sculptures, au chalumeau ou en plaçant la pièce dans un foyer, est venue naturellement avec l’usage du feu dans les chantiers pour se réchauffer à l’aide de parties inutilisées de l’arbre, l’idée étant de reprendre ensuite les bâtonnets de charbon de bois résiduels pour dessiner plus tard la généalogie des sculptures de l’arbre ou dresser le portrait des sculptures taillées dans son bois.

L’exposition de la Galerie présente plusieurs œuvres graphiques qui témoignent largement du rôle primordial joué par le dessin dans l’œuvre de Nash. Réalisés au charbon de bois, auquel s’ajoute parfois le pastel rouge, les dessins prolongent sur papier l’existence de la sculpture dont ils dressent le portrait tout en ayant la capacité d’être autonomes, du fait de leur puissante présence physique. Ils évoquent davantage la troisième dimension que la projection mentale. Tandis que le noir connote l’état minéral, le rouge suggère la combustion, le sang d’avant la cendre. En 1991, lors d’un chantier en Pologne qui donnera lieu à une exposition Red and Black, Nash avait été très étonné d’apprendre que les aulnes dont il extrayait des sculptures (et l’aulne rougit lorsqu’il est coupé) avaient leurs racines qui plongeaient dans des trous de bombes de la Première Guerre mondiale. L’accumulation de matière est frappante dans l’œuvre réalisée au pochoir au pastel Red and Black (2009) et complétée dans un second temps par du charbon de bois : les particules noires éparpillées contrastent avec la netteté des formes géométriques. Développée dans le contexte du minimalisme, l’attirance de Nash pour les formes géométriques se double de son souci du monde naturel (la rude texture des formes, l’empreinte du travail manuel) qui l’emporte. Jeux de formes, mais jamais formalistes, les sculptures de Nash touchent et surprennent le public, car elles naissent de l’usage très maîtrisé de techniques forestières et agraires familières, tout en détournant subtilement celles-ci vers un nouvel espace – médiatisé par l’œuvre d’art.

DAVID NASH
Galerie Simon Blais, Montréal
Du 15 octobre au 15 novembre 2014