Guy Tremblay est un inconditionnel de la photographie argentique. Depuis 40 ans, il utilise les savoir-faire les plus pointus pour perfectionner sa maîtrise de procédés traditionnels de prise de vue, d’émulsion et de développement des images en chambre noire; il les actualise dans des séries photographiques minutieusement élaborées.

Résistance est la première grande exposition monographique de Guy Tremblay; il y présente un corpus de 80 images réparties dans cinq séries photographiques revisitées et finement mises en valeur dans l’espace du Centre culturel Yvonne L. Bombardier. Perfectionniste, l’artiste a longuement réfléchi à cette présentation dont il est le commissaire-
artiste, assisté d’Andrée Bilodeau, responsable des expositions.

L’artiste a chapeauté ses cinq séries sous le titre Résistance, captant ainsi l’essence du travail réalisé tantôt auprès de personnes stigmatisées, confrontant notre regard à nos préjugés, tantôt dans la captation de paysages à la beauté classique. Ce qui lie toutefois cette production d’images, la sélection qu’en fera et le traitement que leur
donnera Guy Tremblay est certainement la recherche d’une certaine perfection esthétique, mais surtout de la «magie» de l’instant qui lie le modèle, le sujet et la lumière, caractéristique de la photographie argentique.

Des portraits qui bousculent

Deux séries de portraits donnent la mesure du talent de portraitiste de Guy Tremblay. La série Ton visage me dit quelque chose défie le regard du
visiteur: est-il possible de voir parmi la série de visages lesquels, au jour le jour, portent de lourds stigmates? Les images naturelles et pourtant idéalisées de cette série – dans une esthétique qui célèbre l’humanité du sujet – sont celles de personnes qui peuvent être des travailleurs de rues, des jeunes sans abri ou des itinérants adultes. Puisque l’artiste ne les identifie pas à leur «groupe», seule demeure la vérité de l’individu, au-delà des étiquettes, redonnant ainsi à chacun accès à la dignité humaine.

Les portraits de la série Atikameqw, tirés au platine sur palladium suivant une recette de l’artiste qui réalise lui-même ses émulsions, font un clin d’œil historique à un travail de documentation effectué par Edward S. Curtis (1868-1952). Or, si Curtis a été mandaté pour photographier les Indiens d’Amérique du Nord avant leur disparition (sic), Guy Tremblay, lui, a pensé procéder à l’inverse, soit les capter dans un esprit de résistance. Ainsi il met en scène une série de visages d’autochtones qui évoquent un peuple en voie de renaissance, ajoutant un détail subtil et délicat: le reflet dans leurs pupilles d’un capteur de rêves.

Métaphore de la ruine

Guy Tremblay a beaucoup voyagé et il dispose d’une banque d’images considérable réalisées en Europe, en Asie et en Amérique. Dans ses propres archives, l’artiste photographe a puisé une série d’images de ruines qu’il a rassemblées sous le titre Vestiges. Ce regard sur le passé l’a amené à réfléchir sur les vestiges que les humains d’aujourd’hui légueront aux générations futures.

Les grandes civilisations ont laissé des vestiges qui n’ont pas tellement changé depuis les débuts de la photographie. Les clichés de Guy Tremblay sont ici intemporels, puisqu’ils montrent un sujet témoin d’un autre temps, dont la représentation même pourrait être d’une autre époque. Le regard du photographe s’efface et laisse place à un traitement technique qui exacerbe cette intemporalité. Les tirages de cette série ont été produits au platine et au palladium, un procédé doté d’une stabilité qui permettrait facilement aux épreuves de dépasser le millénaire.

La nature de la résilience

Guy Tremblay est un artiste qui porte une attention particulière à l’unicité et à la puissance de l’image photographique pour elle-même. Il n’utilise pas de technologies numériques; il ne recadre pas ses compositions. Il attache une attention aux émulsions, aux supports et à la mise en valeur par des encadrements minutieusement élaborés.

Suivant cette logique, il est aisé de comprendre que l’artiste se situe en réaction face à la surabondance et à la surproduction d’images. Images que le commun des mortels ne peut plus apprécier ni décoder ; images qui trompent, réduites au vecteur vulgaire du sensationnalisme, des utopies ou des fantasmes. Pour finir, la série Rébellion propose un regard méditatif et paisible sur la beauté de la nature, sous forme de riches photographies en noir et blanc dont le détail saura captiver l’œil du visiteur, s’il n’y sème pas un capteur de rêves.

Guy Tremblay : Résistance
Centre culturel Yvonne L. Bombardier, Valcourt
Du 17 septembre au 17 décembre 2017