Au fil de ses œuvres, Ilania Abileah se révèle comme exploratrice de territoires visuels inédits. Douée d’un tempérament, elle allie l’intellect à l’émotion.

Sa quête visuelle inclut un parti pris pour la « beauté ». Intrépide, Ilania Abileah s’empare de nombreux modes d’expression, de la peinture à l’acrylique à la céramique, en passant par la tempera et la gravure. En dépit de la diversité des voies et des moyens qu’elle emprunte, l’artiste produit une œuvre clairement unitaire où s’impose un « quelque chose qui émane du sujet qui crée l’œuvre ». Chaque pièce possède son propre point de mire, de sorte que l’hybridité visuelle dont elle est issue n’est pas perceptible.

L’unité visuelle se traduit par une légèreté aérienne méditative que scandent des textures au chromatisme rythmé. Ainsi, l’empreinte textile et les diverses granulations tracées sur la surface des impressions collagraphiques se caractérisent à la fois par leur variété et leur délicatesse.

Quelques thèmes jalonnent l’ensemble des productions. L’amour et l’érotisme, ponctués de tonalités dans les gammes de rouge et d’orangé, se manifestent notamment par la présence assez fréquente du serpent, qui évoque la pulsion érotique masculine ; le violoncelle ou la contrebasse renvoie probablement à des résonances féminines. La nature constitue par ailleurs une forme d’arrière-plan de l’œuvre. Des ambiances lumineuses bleues et lilas, témoignant d’un rêve de la Méditerranée, côtoient des aspects de la nature nordique inspirés par la poésie des Laurentides. L’artiste est fascinée aussi par le monde de la danse classique et contemporaine. En contrepoint aux formes géométriques, le dessin est parfois caractérisé par un mouvement libre et comparable à celui de la danse.

On trouve encore dans les productions d’Ilania Abileah des lettres de l’alphabet hébraïque, témoignant d’une culture juive revue par une sensibilité israélienne, c’est-à-dire actuelle.

« Je fais de la gravure, mais je la fais en tant que peintre », précise l’artiste, en se démarquant ainsi de la « nature dessinée ». Elle rappelle l’essence de la gravure définie en quelque sorte par la ligne. Ainsi s’expliquent ses préférences chromatiques. Dans la collagraphie intitulée Qu’est-ce qui suit ? (2008), ainsi que dans la gravure sur bois La dame de la vague (2001), les couleurs primaires ainsi que le vert déterminent l’atmosphère visuelle, elles s’inscrivent dans un jeu de lignes ascendantes renvoyant à une certaine spiritualité.

Aspect essentiel : les couleurs sont délayées, elles respirent. Avec cette qualité aérienne, Ilania Abileah rejoint la dialogique du vide et du plein que propose l’esthétique chinoise ou taoïste. On distingue aussi, certes indistinctement, des influences de la modernité d’Europe centrale, que ce soit celles de la mémoire des corps tourmentés de Kokoschka ou Schiele, en même temps que la polychromie esthétique d’un Klimt. Dans la toile intitulée Automne (2004), représentant un nu gisant sur une prairie au cœur des bois, l’ivresse prend les couleurs de la mort et la nature s’harmonise avec un sentiment crépusculaire. Les tons complémentaires parcourent la chair du personnage, cependant que la teinte des feuillages connote un drame, une stupeur, un chavirement : dérive existentielle aux confins du néant. La nature nordique brille quant à elle sous la lumière automnale.

Née en Israël, Ilania Abileah s’est établie en 1968 au Québec. Elle vit dans les Basses-Laurentides. Elle fait partie des fondateurs de la Route des arts d’Argenteuil, association qui regroupe une quarantaine d’artistes. 

ILANIA ABILEAH: GRAVURES ET CÉRAMIQUES
Centre Ici pour les Arts
712, rue Saint-Georges Saint-Jérôme
Tél. : 450 569-4000
www.iciparlesarts.com
Du 12 au 27 mai 2011