En 2005, Jacques Payette faisait don au Musée national des beaux-arts du Québec d’une quinzaine d’œuvres, moments clés de sa production des trente dernières années. L’exposition Jacques Payette. Capturer le temps rend compte de ce travail en constante évolution, qui prend son élan avec le retour en force de la figuration à l’aube des années 1980.

Les voies plastiques qu’emprunte l’artiste autodidacte vont du traitement hyperréaliste et très léché des débuts, s’aidant de la photographie, à une expression de plus en plus libre et sensuelle de la matière. De cette mixité de médias et de techniques habilement maîtrisées (crayon, pastel, fusain, acrylique, huile et surtout encaustique, découverte il y a vingt ans) sont issus les grands tableaux d’atmosphère intimiste et onirique qu’on lui connaît.

Le ton est donné avec Qui sait si un matin ou une nuit une vague ne viendrait pas tout emporter (1989), tableau de grand format montrant deux fauteuils encadrant un guéridon sur lequel fume une théière. Dans ce lieu confortable en attente de convives ou tout juste déserté, le temps reste suspendu entre l’action à venir ou déjà passée, entre ce qui sera et ce qui a peut-être été.

Partout, l’artiste se joue ainsi du temps, de l’espace, de l’absence et de la présence humaine comme de motifs malléables et familiers. Et ce qu’il dérobe à la vue s’avère tout aussi signifiant… Réalisé aux crayons de couleur sur fond d’acrylique, Deux tasses sur le rebord d’une fenêtre (1979) suggère, par exemple, la complicité et la fragilité du couple.

Plus loin, une robe à volants de dentelle, posée sur un mannequin de couture, se fait présence fantomatique au pied d’un escalier monumental. Les êtres passent, reste la mémoire du corps, celui de cette élégante disparue toute de rose chair vêtue, venue hanter l’opulent décor du tableau Les silences où il faut qu’on aille (2003).

Intérieurs inhabités, éléments d’architecture et de mobiliers anciens aux beaux effets décoratifs, vêtements démodés et objets du quotidien, auxquels Jacques Payette donne un sens inattendu, font partie d’un vaste répertoire métaphorique. Et puis s’ajoutent les personnages aux poses inusitées, les portraits de ses proches, de lui-même…

Ainsi, l’artiste se représente-t-il en contre-plongée, étendu – flottant dans le vide ? – sur la surface animée de Un peu en avance sur le passé (2007-2008) comme sur un lit d’épaisse végétation. Dix-huit mois de couleurs et de matières (gouttelettes de cire, éclaboussures et résidus de toutes sortes) accumulées sur une bâche posée au sol de l’atelier ont donné forme et densité à cet all over envoûtant – seule pièce de l’exposition provenant d’une collection particulière.

Dans cet échantillonnage somme toute modeste de la production polyvalente de Jacques Payette, une œuvre retient particulièrement l’attention. Elle s’intitule Que comprenez-vous au matin dont je parle ? (2004). Les 36 petits tableaux de facture abstraite qui la composent, disposés sur les six rangées d’une structure de métal, deviennent autant d’intervalles et de gestes qui élaborent un paysage dont l’horizon est sans fin.

L’accessibilité des thèmes, le rendu impeccable et sans heurts des œuvres aux coloris éclatants et harmonieux, la maîtrise indéniable du dessin, la richesse des textures : l’univers de mystères tranquilles poétique et intemporel de Jacques Payette exerce sur un large public son plein pouvoir d’évocation et de séduction.

JACQUES PAYETTE. CAPTURER LE TEMPS
Musée national des beaux-arts du Québec
Parc des Champs-de-Bataille, Québec
Tél. : 418 643-2150, 1 866 220-2150 (sans frais)
www.mnba.qc.ca
Du 5 mai au 28 août 2011