Jennifer Macklem. En plein vol
« Le rouge et le vert d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain. C’est pourquoi il faut les attraper au vol », confie Jennifer Macklem devant un de ses panneaux exposés à la Galerie d’art d’Outremont.
Au vol ? L’expression est particulièrement heureuse pour une exposition dont toutes les peintures s’intitulent Dans l’air. Au vol ? C’est dire combien les œuvres de Jennifer Macklem obéissent à une certaine urgence qui appelle une certaine impulsivité de la part de l’artiste, deux traits qu’elle invite les observateurs de ses récents tableaux à considérer avec attention. Il convient de se méfier, car la spontanéité des compositions masque un travail préparatoire et un souci formel qui confèrent son unité à la suite des quinze panneaux accrochés aux cimaises.
En effet, à l’exception d’une vaste fresque qui épouse l’ample courbure d’un des murs de la galerie et d’un assemblage sur papier, la plupart des panneaux de bois répondent à un format carré ou quasi carré. Ils se prêtent idéalement à l’inscription de figures circulaires (circonférences, disques, globes, couronnes, ovales) qu’affectionne particulièrement l’artiste. Jennifer Macklem appose une multitude d’artefacts sur ses surfaces ainsi définies : tracés rectilignes ou en faisceaux, serpentins, filaments, grains de grosseurs diverses isolés ou en chapelets, bulles. Une telle prolifération d’oligoéléments confère un caractère organique aux peintures, qui se rangent certes dans la catégorie des abstractions gestuelles, mais laissent entrevoir de possibles interprétations figuratives. Quoi qu’il en soit, elles requièrent une observation attentive, car la dynamique de l’ensemble gagne à être vue de près pour tout amateur soucieux de percevoir les détails.
Le choix des couleurs claires dans des tonalités souvent fortement diluées s’accompagne d’effets de transparence suggérant la légèreté et justifie le caractère aérien des œuvres. À l’inverse, l’artiste joue aussi sur les effets d’opacité et de contraste dans des registres chromatiques sombres, voire graves, mais jamais tragiques. Ses taches s’opposent les unes aux autres dans des sortes de combats incertains suscitant une dramatisation de l’espace pictural. Mais paradoxalement, c’est la notion de durée que remet en cause Jennifer Macklem : celle des choses et des chocs de la vie. C’est pourquoi il semble plus juste d’affirmer que les éléments des compositions se meuvent dans l’air comme des objets volants plutôt que comme des objets flottants. Alors, il faut se dépêcher de les regarder de crainte qu’ils ne s’éloignent ou qu’ils ne se dissipent comme des nuages dans le ciel. Il vaut mieux les saisir au vol comme le préconise l’artiste, au cas où il leur prendrait la fantaisie de changer de couleur.
À la Maison des arts de Laval, sous le titre Crépuscule : volet 2, Jennifer Macklem annonce son exposition composée d’une suite de sculptures de bronze et d’une installation dont les tonalités de bleu et de blanc rappellent le territoire de l’hémisphère Nord et la saison hivernale. Les œuvres évoquent la formation de cristaux de glace, l’histoire de la traite des fourrures, ainsi que l’adaptation humaine qui sera requise pour affronter les difficultés causées par une nature rétive.
JENNIFER MACKLEM DANS L’AIR
Commissaire : Laurent Bouchard
Galerie d’art d’Outremont, Montréal
Du 5 au 29 mars 2015
CRÉPUSCULE : VOLET 2
Maison des arts de Laval
Du 3 mai au 28 juin 2015