La 10e Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières
L’innovation dans le respect de la tradition
![](https://viedesarts.com/wp-content/uploads/2017/07/biennale-estampe-trois-rivieres-1-1360x890.jpg)
La Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières célèbre ses 20 ans. Elizabeth Mathieu, sa directrice, dresse un bref panorama de l’événement et en profite pour souligner les changements qui ont marqué l’estampe au fil de ces deux décennies.
La révolution informatique, qui a changé la façon de communiquer au cours des vingt dernières années, a aussi transformé le monde des arts visuels, en particulier celui de l’estampe, tant du point de vue des diffuseurs que de celui des créateurs. Les médias sociaux, tels que Facebook et Twitter, permettent désormais aux organisateurs de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières de rejoindre des artistes qui ne sont ni représentés par des galeries ni rattachés à un atelier. Cette année, le jury a reçu 420 dossiers parmi lesquels ont été sélectionnés les corpus de 51 graveurs provenant de 18 pays. Toutefois, Élisabeth Mathieu, qui dirige cet événement depuis six ans, remarque que les caractéristiques nationales tendent à s’estomper, parce que les artistes sont en contact par Internet avec l’art qui se pratique au-delà de leurs frontières et aussi par le fait que beaucoup font des résidences à l’étranger. Les capricieux carrousels de diapositives ont cédé la place aux fichiers informatiques qui s’ouvrent obligeamment sur l’écran de l’ordinateur des membres du comité de sélection. Les graveurs utilisent des logiciels, entre autres Photoshop, pour faire leur mise en page avant de travailler sur la matrice. Les œuvres hybrides sont acceptées, toutefois les techniques classiques de l’estampe, qui impliquent plusieurs passages de l’encre sur le support, doivent être prépondérantes. La BIECTR accueille l’innovation tout en respectant la tradition. Le visiteur n’y trouvera donc pas d’estampe numérique. Élisabeth Mathieu a d’ailleurs constaté un regain d’intérêt pour la matérialité du papier ainsi que pour le travail manuel de découpage et de pliage en réaction contre la froideur technologique. Les deux dernières Biennales ont été marquées par la monumentalité et l’installation, deux traits caractéristiques de l’art actuel. Alors que l’estampe a été pendant longtemps un médium apprécié par les artistes pour la possibilité qu’il donne de produire plusieurs exemplaires, les graveurs contemporains se sont mis à délaisser les tirages multiples au profit de l’œuvre unique. S’ils recourent à la multiplication, c’est pour créer des œuvres capables d’occuper l’espace. La neuvième Biennale a accueilli dans ses 4 lieux d’exposition 12 000 visiteurs. Mais il faudrait ajouter à ce nombre tous ceux qui ont fréquenté les manifestations du off. Certains amateurs d’art viennent même d’Europe pour découvrir de nouveaux talents.
La 10e BIECTR comporte une innovation importante : Élisabeth Mathieu a invité le poète trifluvien Guy Marchamps à écrire un poème en guise d’introduction à chacune des 7 sections dans lesquelles les œuvres sont regroupées. Poésie et gravure ont été souvent associées au cours des siècles et cette union est d’autant plus naturelle à Trois-Rivières que l’on ne peut se promener dans cette ville, qui est reconnue en tant que « Capitale internationale de la poésie », sans remarquer les nombreuses plaques sur lesquelles des poèmes sont imprimés. Les textes de l’auteur de Poème d’amour à l’humanité, affichés sur les murs des différentes salles, proposent une vision différente de celle d’un historien de l’art, car ils vont toucher la sensibilité du spectateur. Je n’en veux pour preuves que le premier vers de Territoire « Où vont dormir les lignes ? » et les deux premiers d’Indignation « Il tombe des tombes / dans le charnier du ciel ». Le grand prix, attribué à la Française Sabine Delahaut, comporte une connotation surréaliste évidente. Dans l’œuvre Ainsi font, une femme, dont la tête est remplacée par un miroir, tient, en guise de marionnette, une tête de biche. La composition rappelle les collages inventés par les artistes qui gravitaient autour d’André Breton. En revanche, avec ses formes molles noires, Object_05 de la Polonaise Agata Gretchen, qui a reçu le Prix Desjardins, correspond à un degré zéro de la représentation, mais la façon dont l’artiste crée une confusion entre le fond et la forme est fascinante. Certes, les estampes primées sont remarquables par leur exceptionnelle maîtrise technique, mais on peut regretter cependant qu’aucun prix n’ait été décerné à une création novatrice comme l’estampe intitulée Virginia de Jean Dibble, dans laquelle l’artiste états-unienne joint l’impression au jet d’encre à l’intaglio, ou comme l’installation murale Infiltrate de Teresa Cole, constituée de tubes de papier alignés les uns à côté des autres, qui se déploie comme une onde sur plusieurs mètres.
La Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières ne se borne pas à accueillir l’innovation, elle s’ouvre à un large public avec des médiateurs aussi aimables que compétents. De plus, cette année, plusieurs artistes sont invités à donner des conférences sur leur travail. Enfin, deux expositions satellites diffuseront l’événement à Montréal : l’une à la Galerie Alain Piroir, l’autre à la Galerie Robert Poulin.
10e Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières
Centre d’exposition Raymond-Lasnier, Galerie d’art du Parc, Musée Pierre-Boucher, Ancienne gare ferroviaire, Trois-Rivières
Du 18 juin au 10 septembre 2017