« La Grande Guerre. Le pouvoir de l’influence de la photographie. » La photo, arme de guerre
Présentée à l’occasion des commémorations marquant le centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale, l’exposition La Grande Guerre. Le pouvoir d’influence de la photographie fait le pari non pas de montrer les événements à travers l’image photographique, mais d’explorer la fonction de la photographie pendant la Première Guerre mondiale.
Les fonctions plutôt. Ainsi, la variété des images qui ont été regroupées est-elle vaste, du portrait personnel aux grandes mises en scène de propagande et de contre-propagande, en passant par la photographie amateur réalisée par les soldats eux-mêmes.
Cet éclectisme confère à l’exposition sa particularité, ses forces comme ses faiblesses. Les deux premières salles, dominées par les albums souvenirs, la photo amateur et les portraits officiels de militaires et de leur famille – en plus d’une belle série intitulée L’armée de la rue Greneta, où des gamins parisiens se retrouvent le dimanche pour jouer à la guerre sous l’œil attentif de Léon Gimpel –, font entrer d’emblée le visiteur dans la dimension personnelle et intimiste du médium ; mais le ton change du tout au tout dans la galerie centrale, alors que des grands formats de scènes de bataille (en l’occurrence, la prise de Vimy) se succèdent dans un accrochage – très bien réussi – inspiré des expositions des débuts du XXe siècle. Plusieurs des 50 pièces de cette section (des tirages récents, pour la plupart) sont d’immenses photomontages constitués à partir de divers négatifs et composés tels des tableaux historiques. Ces clichés en noir et blanc ont été réalisés par les photographes officiels du Bureau canadien des archives de guerre, créé en 1916 par Max Aitken. À mi-chemin entre l’agence de publicité et le bureau d’archives, cet organisme, installé à Londres, envoyait peintres, cinéastes et photographes sur le terrain afin de documenter les actions militaires. Le Musée des beaux-arts du Canada a repris une partie de la deuxième Canadian Official War Photographs Exhibition présentée en 1917 à la Grafton Galleries de Londres. La pièce la plus impressionnante de cette section, Le 29e bataillon d’infanterie avançant dans la zone neutre de William Ivor Castle (coorganisateur avec Aitken de cette exposition), est une épreuve de 3,35 mètres sur 6 mètres, la plus grande photographie jamais tirée alors. L’effet est puissant et illustre le chemin parcouru en quelques décennies dans les techniques photographiques, tout autant que dans l’exploration de la portée propagandiste de ces images du réel, qui sont tout sauf objectives.
La dernière salle, consacrée aux stéréoscopies, vues aériennes et autres panoramas, s’avère moins palpitante. Si ces images incarnent l’un des usages – non dénué d’intérêt stratégique – les plus modernes de l’époque, elles ont plus leur place dans un livre que dans une exposition. En fait, c’est peut-être là la principale critique à formuler : malgré un sujet indispensable à l’appréciation et à la compréhension de l’usage de la photographie (et de quelques films) en temps de guerre, le visiteur garde l’impression qu’il s’agit plus d’une exposition illustrant un livre que d’un catalogue accompagnant une exposition. Et si les thèses élaborées par Ann Thomas dans le catalogue sont éminemment intéressantes, leur présentation apparaît moins réussie.