Avec une programmation de 15 expositions réparties sur 15 sites et l’organisation d’un imposant volet extérieur d’installations in situ réunissant 22 artistes de différents pays, la troisième édition de la Triennale internationale des arts textiles en Outaouais confirme son importance grandissante dans le paysage artistique québécois. Oscillant entre tradition et innovation, les différentes créations offertes aux visiteurs ont mis en relief la diversité des techniques et des matériaux : tissage haute lisse, composition de sculptures en fibres optiques, synthétiques et industrielles, emploi de la lumière artificielle. Lors de notre passage sur les lieux, deux installations présentées en salle ont retenu notre attention pour leur approche multidisciplinaire. Il s’agit des œuvres Entrelacé/Interlaced de l’artiste Tamar Frank des Pays-Bas et Allergènes Aéroportés de la Canadienne Karina Bergmans.

Montée dans l’une des galeries du centre d’artistes AxeNéo7, l’installation in situ de Tamar Frank propose un réseau luminescent constitué de 1400 fils phosphorescents ressemblant à des rayons laser. Une lumière programmée découpe les volumes dans l’espace et ceux-ci se modifient dans le temps jusqu’à l’obscurité totale. Elle dure 4 minutes et 45 secondes, et plonge le spectateur dans une expérience sensorielle unique qui lui fait prendre conscience de son déplacement et des changements qui s’opèrent sur le plan spatial. Agencé selon un ordre mathématique, l’ouvrage de Tamar Frank constitue une véritable architecture translucide. Fixés et tramés dans l’espace selon un plan préétabli, les fils façonnent un univers immersif abstrait d’une grande beauté sans recourir à des procédés numériques. Spécialiste de la lumière, Tamar Frank est également connue pour ses travaux en art public, principalement en Europe. Ses œuvres illuminent l’intérieur et l’extérieur de bâtiments, de musées ainsi que des parcs, des places publiques et des ponts. En 2006, elle fut lauréate du 2e prix du Targetti Light Art Award de Florence.

En quête de sens

Travaillant avec de la fibre synthétique (Tyvek), Karina Bergmans investit l’environnement de la galerie Art-Image de la Maison de la culture de Gatineau par un dispositif composé de trois sculptures lumineuses. Celles-ci s’apparentent à d’immenses structures cellulaires virales qui se gonflent et se dégonflent tel un poumon selon un cycle de 30 minutes. Tout comme dans le cas de l’installation de Tamar Frank, le spectateur est invité à vivre une expérience immersive, certes de nature différente. Ainsi, chez Karina Bergmans, le message se veut critique. Il interroge les propriétés allergènes de l’air que nous respirons et les dommages qu’il cause à la santé humaine. Sous des apparences ludiques, le visiteur se retrouve confronté à une menace. Nous sommes en présence d’une œuvre réflexive qui tend à éveiller les consciences. En ce sens, l’opuscule qui accompagne l’exposition devient un outil déterminant pour saisir le point de vue de l’artiste et comprendre l’essence de son travail.

Ces deux expositions ne reflètent qu’un aspect du travail en arts textiles contemporains présenté dans la Triennale. Les œuvres de Louise Bérubé Lemieux, grande spécialiste du tissage jacquard, et celles du réputé artiste polonais Wlodzimierz Cygan sont également à mentionner. Comme l’indique Thoma Ewen, directrice artistique de la Triennale et fondatrice, en 1999, du Centre des arts textiles Moon Rain à Val-des-Monts, au nord-est de Gatineau, la manifestation est l’occasion de mettre en valeur les arts textiles, de développer des liens avec des artistes du Canada et de l’étranger et d’associer le réseau des salles d’exposition de la région. De Gatineau à Saint-André Avelin, de Wakefield à Portage- du-fort dans le Pontiac, l’événement se veut fédérateur et contribue de plus à l’essor du tourisme culturel de l’ouest du Québec. En s’appuyant sur le potentiel créateur à la fois local et international et en établissant une véritable route des arts textiles, la Triennale participe aussi à définir de nouvelles façons d’habiter un territoire. L’expertise régionale devient donc une assise importante dans la consolidation, la croissance et le rayonnement culturel en sol québécois. La Triennale internationale des arts textiles, organisme lauréat en 2014 du Prix Événement de l’Année de la Fondation pour les arts, les lettres et la culture en Outaouais, y contribue largement et nous lui souhaitons un avenir durable. 

La triennale internationale des arts textiles en Outaouais
Du 18 août au 16 septembre 2016