De quoi l’image est-elle le nom? Telle est la question plus énigmatique que vraiment provocatrice lancée par Ami Barak, commissaire invité, en guise de thème de la première édition de Momenta 2017, la première Biennale de l’image de Montréal, l’événement qui a succédé au Mois de la Photo.

Ce n’est pas trahir la question que de la reformuler afin d’en clarifier la teneur. Elle se lirait donc ainsi: De quel propos ou sujet l’image est-elle
porteuse? Aussitôt, les enjeux de mensonge et de vérité éclatent aux oreilles. Un détour par la formulation en anglais donne un relief subtilement différent au thème imposé: What does the image stand for? Traduction : Que défend donc l’image? Reformulations: À quoi l’image fait-elle écran ? À quoi l’image s’interpose-t-elle?

À en juger par les œuvres présentées (une majorité de photographies et de vidéos), l’une des réponses possibles serait: l’image se substitue à la
parole. Elle parle. Mais ses propos sont équivoques, voire plurivoques. Ils exigent d’être contextualisés. D’ailleurs, les essais publiés dans l’indispensable et admirable catalogue qui accompagne la Biennale, à commencer par la présentation d’Ami Barak, plaident en faveur de la nécessité d’une explication écrite ou verbale. À cet égard, les cartels associés aux œuvres exposées étaient tous clairs et concis.
Ils évitent les perceptions hâtives, les contresens et contribuent, au moins partiellement, à déjouer les pièges inhérents aux apparences premières. Par exemple, derrière l’apparente innocence des clichés de bouquets de fleurs de Taryn Simon (que l’on pourrait facilement réduire à de banales natures mortes bien léchées) se cachent des rituels (contrats, traités politiques, ententes commerciales) dont la portée, bien qu’elle soit généralement publique, n’est ni très explicite ni visible.

Encore très tributaire de la photographie, Momenta se situe dans le prolongement du 14e Mois de la Photo (2015) qui traitait de la surabondance des images. « Les images sont dorénavant omniprésentes. Les prises de vue ont envahi le web et les réseaux sociaux. (…) Cette tendance se présente comme un phénomène planétaire, fort catalyseur de l’expansion des échanges», écrit Ami Barak dans sa présentation du thème de la Biennale. Il précise son intention: « Je souhaite poser la question de l’image comme avatar en m’intéressant au caractère fantasmé et sublimé de la réalité qu’elle véhicule. De l’image fixe à l’image en mouvement, il s’agit par cette proposition d’inviter le spectateur à ne pas accepter sans critique le témoignage des images. » L’exercice s’applique remarquablement bien à la série de 70 très courts métrages rassemblés par Boris Mitic (Serbie) sous le titre Museum of Nothings, un éloge des « riens » qui souvent sont tout. Il n’est certes pas possible de rendre compte des expositions disséminées dans une vingtaine de lieux à Montréal. Nous nous sommes limités aux œuvres de Taryn Simon, (Musée d’art contemporain de Montréal), « point d’accroche » de Momenta, et de Natascha Niederstrass (Galerie Trois Points) dont les vérités incertaines traduisent bien la fausse objectivité dont pourrait se réclamer encore l’art de la photographie.

Nous avons élargi les points de vue en proposant, hors de la trajectoire de Momenta, des incursions centrées sur des créations photographiques personnelles, voire introspectives, sous les signatures de Guy Tremblay, Josianne Bolduc, Alicia Lorente, Phyllis Lambert et Richard Pare, ainsi que celles des artistes de la Rencontre photographique du Kamouraska. Ces images partagent avec celles de la Biennale de l’image un caractère
énigmatique qui rehausse leur charme intrinsèque.

De quoi l’image est-elle le nom ? What does the image stand for?
MOMENTA 2017, Biennale de l’image de Montréal
Commissaire : Ami Barak
Du 7 septembre au 14 octobre 2017