Les paysages (dé)construits de Sylvia Trotter Ewens à la Galerie AVE
Du 5 au 26 novembre dernier à Montréal, la Galerie AVE présentait, dans le cadre de l’événement Pictura, la première exposition solo de Sylvia Trotter Ewens, Urban Nature. L’artiste honduro-canadienne, basée à Montréal, proposait une série de peintures mettant en scène des environnements urbains en mutation.
Des casse-têtes de paysages
Avec cette exposition, l’artiste révèle des paysages construits tels des casse-têtes d’éléments contrastants choisis pour former un tout esthétiquement harmonieux. Répétant les mêmes modus operandi que l’être humain dans son quotidien, autant dans son environnement que dans la société, elle intervient dans ses paysages selon un souci de contrôle, mais également de documentation et d’observation. L’intégration de certaines préoccupations environnementales actuelles dans ses tableaux, notamment la déforestation, la protection des cours d’eau, les énergies vertes, les catastrophes naturelles et la pollution industrielle, nous amène à réfléchir à nos propres habitudes de vie.
L’exposition solo de Trotter Ewens constitue la suite des œuvres présentées cet automne à l’événement Artch, lequel fait la promotion de l’art contemporain émergent. Bien qu’inspirés par son quartier, les paysages de l’artiste, qui a grandi à Laval, se présentent comme des témoignages de notre époque et répertorient une série d’éléments naturels ou transformés observables dans l’environnement urbain. Elle y fait la représentation de préoccupations et de situations socio-environnementales actuelles dans des paysages tantôt déconstruits tantôt reconstruits.
Trotter Ewens a longuement observé les transformations subies par l’urbanisation et l’industrialisation de son quartier et de son pays d’origine, où les forêts, les fermes et les nouveaux développements urbains se côtoient dans un contraste saisissant. Les paysages de l’artiste se composent d’éléments de la nature, de structures et d’interventions humaines intelligemment juxtaposés selon une facture uniforme et très colorée. En captant le caractère muable du paysage urbain, elle cristallise aussi un moment précis dans une histoire en perpétuelle réécriture. Tel que l’on peut l’observer dans Green Space (2020), certaines structures, notamment les escaliers, les toitures de serre et les jeux d’enfants, sont coupées, incomplètes, installées de façon irréaliste ou parfois se chevauchent. Trotter Ewens affiche toutefois un positivisme comme le rappellent les ciels bleus et les couleurs vibrantes de ses paysages.
Avec cette première exposition solo présentée à la Galerie AVE, Trotter Ewens propose une réflexion optimiste et accessible sur la nature urbaine à travers l’intervention humaine.
Une vision romantique de la nature
Selon l’artiste, la majorité d’entre nous avons « une vision romantique de la nature, que nous considérons comme un endroit apaisant, un sanctuaire éloigné de notre ville effervescente », même si elle comporte également ses propres dangers. « Nous créons des espaces où nous pouvons toujours expérimenter l’environnement naturel, mais dans des paramètres contrôlés à l’abri de ces dangers ». Les œuvres d’Urban Nature présentent ainsi des quais, des trottoirs et d’autres structures qui sont des éléments qui nous permettent de nous rapprocher de la nature, mais sans l’atteindre véritablement. Tel que l’indique le titre des œuvres Musings on Contemporary Exterior Spaces No. 3 et No. 4 (2020) (réflexions sur les espaces extérieurs contemporains), la nature est ici intégrée selon l’harmonie qu’elle peut avoir avec l’espace construit. Sorte de contemplation, de ressourcement ou de rêverie, ses œuvres laissent croire à des éléments architecturaux qui nous permettent d’intégrer la nature de manière quotidienne, mais en en contrôlant notre accès.
Trotter Ewens affirme qu’« avoir si peu de nature augmente encore plus la valeur de celle-ci dans notre vie [et que] cela nous amène peut-être à créer des images mentales idéales ». La création d’images, c’est précisément ce que l’artiste fait en peignant des paysages tels des collages. Les composantes de ses environnements sont sélectionnées judicieusement et leur juxtaposition augmente leur pouvoir évocateur en marquant notamment la dissemblance. Le traitement des couleurs, bien que celles-ci soient vibrantes et variées, est esthétiquement agréable et harmonise l’ensemble. Les éléments construits (jaunes, verts et bruns en majorité) ne détonnent pas des éléments naturels plutôt qu’ils s’y intègrent facilement. Avec cette première exposition solo présentée à la Galerie AVE, qui a comme mission de soutenir le travail de la relève artistique, Sylvia Trotter Ewens propose une réflexion optimiste et accessible sur la nature urbaine à travers l’intervention humaine.
Urban Nature
Sylvia Trotter Ewens
Galerie AVE, Montréal
Du 5 au 26 novembre 2020