Le seul nom de Carl Fabergé (1846-1920), emblématique de la splendeur de la cour impériale de Russie et associé aux derniers jours de la famille des Romanov dont le destin se termina tragiquement à Ekaterinbourg, le 17 juillet 1918, a toujours exercé une véritable fascination. Une magnifique collection réunissant 240 objets en provenance du Virginia Museum of Fine Arts, Richmond, la plus prestigieuse collection Fabergé hors de Russie, donne un bon aperçu de la virtuosité du maître orfèvre.

« L’exposition Fabergé, joaillier des tsars est une très belle occasion pour le public de comprendre l’œuvre de Carl Fabergé sous l’angle double de la réalité du métier d’orfèvre et de joaillier au tournant des XIXe et XXe siècles, et de la légende historique à laquelle son nom, en tant que dernier fournisseur de la Russie impériale, est attaché. C’est aussi pour le Musée des beaux-arts de Montréal l’occasion passionnante de présenter une exposition sur un artisan de l’ancien temps et de l’ancien monde sous le regard à la fois pertinent, amusé et respectueux d’un grand designer comme Hubert Le Gall », explique Sylvain Cordier, conservateur des arts décoratifs anciens au MBAM, qui, avec Diane Charbonneau, conservatrice du design, a conçu l’exposition, sous la direction de Nathalie Bondil, directrice du Musée.

Les objets qui composent la collection d’œuvres de Fabergé du Virginia Museum of Fine Arts ont été acquis au cours des années 1930 et 1940 auprès d’antiquaires américains par Lillian Thomas Pratt, l’épouse d’un cadre de la General Motors, John Lee Pratt. Une véritable passion pour la Russie impériale l’a amenée à acquérir cinq des plus fameux œufs de Pâques impériaux sur les 42 œufs restants commandés par les Romanov. Quatre sont présentés à Montréal. Ils sont accompagnés d’objets exquis tels que des vases en cristal de roche, des cadres émaillés dont l’un avec le portrait de la grande-duchesse Tatiana qui l’aurait eu en sa possession lors du meurtre de la famille impériale, des bijoux en or incrustés de pierres précieuses parmi lesquels des petits pendentifs en forme d’œuf, des animaux miniatures en pierres dures, des boîtes à cigarettes, des pommeaux de canne de même que des pièces d’argenterie, des icônes et une figurine d’un matelot du yacht impérial Zamitza. La collection de Lillian Pratt, léguée en 1947 au VMFA, comprend également des œuvres d’autres orfèvres russes réputés, dont certaines figurent dans l’exposition.

Une entreprise au rayonnement international

Descendant d’une famille huguenote qui avait fui la France pour la Russie après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, Carl Fabergé suit son père qui quitte la Russie pour l’Allemagne en 1860 ; il étudie la joaillerie à Dresde de même qu’à Francfort. Il entreprend le Grand Tour à travers l’Europe pour se perfectionner auprès d’orfèvres réputés et découvrir les plus belles créations dans les grands musées, avant de retourner en Russie en 1870, où il connaît un succès rapide. Le tsar Alexandre III le remarque en 1882, lui commande des boutons de manchette et le nomme, en 1884, fournisseur officiel de la famille impériale, qui ne cessera de lui passer des commandes jusqu’à la Révolution. Ce travail des pierres précieuses et semi-précieuses met en valeur les vastes richesses naturelles de l’Oural, aux mines d’agate, de néphrite, de bowenite, de rhodonite et de cristal de roche. Outre les commandes de la cour impériale et de la haute société russe, Carl Fabergé exporte ses créations vers l’Europe occidentale où l’on s’arrache ses objets dans les cours d’Angleterre, de Norvège et de Suède, et va jusqu’à fournir la cour de Thaïlande. La situation va cependant changer pour les ateliers Fabergé lorsque la Russie entre dans la Première Guerre mondiale. Deux œufs seront produits en 1917, mais jamais offerts. Carl Fabergé fuit la Russie en 1920 pour s’installer en Suisse, où il meurt peu après. Il est considéré comme l’un des joailliers les plus célèbres du monde. 

FABERGÉ, JOAILLIER DES TSARS
Musée des beaux-arts de Montréal
Du 14 juin au 5 octobre 2014