Louisette Gauthier-Mitchell – Entre démasquage et dévoilement
En principe, le dessin manifeste la volonté de réunir et de circonscrire dans un même souffle le dire et le faire de l’œuvre. Indissociables au départ, ils accusent pourtant un certain écart, celui qui sépare l’idée initiale de son expression finale.
Dans un espace plan, une ligne suffit pour amorcer et définir la première étape du processus pictural. Les phases qui suivent déterminent progressivement le sens de l’œuvre, en définissant et en aménageant un espace plus formel doté des infinies qualités de l’art que l’on trouve souvent replié sur lui-même.
Dans cette perspective, les travaux de Louisette Gauthier-Mitchell se présentent comme une réflexion sur la nature même du dessin ; précisément, sur le geste premier qui ouvre la voie à tous les possibles.
Pendant près d’un an, l’artiste a consacré la presque totalité de sa production au dessin, explorant l’en deçà et l’au-delà de ce mode d’expression fondamental, pour ouvrir une nouvelle voie et formuler la notion de réalité. Pour elle, l’utilisation du fusain, du crayon ou de l’encre constituent les clés pour approfondir son langage pictural en vue de dégager un effet ou un phénomène comme l’apparition d’une forme qui anticipe la représentation, avant même de la délimiter. L’artiste met ainsi en cause le caractère traditionnel de la représentation, d’abord pour la libérer du poids des conventions habituelles, mais ensuite et surtout pour en faire émerger une interprétation située entre réel et imaginaire, hors des sentiers battus.
Le titre de son exposition semble ici révélateur. Avec Dess(e)ins dé-figurés, l’artiste exprime son désir de cerner au plus près le concept premier de l’œuvre qui répond à la notion de projet. Cette appellation est utilisée dans le sens où il s’agit d’inscrire sa création vers l’avant, de la projeter vers l’avenir afin de la libérer des artifices de la représentation. Elle révèle le propos véritable de l’œuvre qui se cache derrière le tout fait et le surfait de son propos pictural.
Pour y parvenir, Louisette Gauthier-Mitchell procède à une soustraction partielle d’éléments et à l’ajout de surfaces qui masquent certaines parties du support, altérant du même coup une certaine perspective conventionnelle. L’artiste parvient ainsi à un dépouillement qui s’ouvre sur de nouvelles relations avec la réalité. Elle met en scène des personnages au corps imaginaire et fragmenté qui échappent aux contraintes formelles d’une figuration convenue, ces corps sont voisins d’esquisses d’animaux ou d’autres structures énigmatiques : ils se dégagent d’un arrière-fond graphique aux accents quasi surréels, aux consonances variables selon l’intensité du propos. Dans ces compositions, l’inscription de phrases et de pictogrammes affirme la polyvalence et la complexité des vocables et de leurs registres d’expression.
Ce dispositif flotte alors dans une étendue incertaine, à la recherche d’une cohésion, voire d’une reconquête de l’unité de l’œuvre. La véracité devient alors possible grâce à l’opposition, sans doute plus apparente que réelle, entre démasquage et dévoilement.
LOUISETTE GAUTHIER-MITCHELL DESS(e)INS DÉ-FIGURÉS
Galerie du Théâtre, Magog
Mai – juin 2013