Plus que jamais, l’expression artistique est en constante mutation. On assiste ainsi à l’abolition des frontières entre diverses disciplines. Les nouvelles techniques qui surgissent renouent avec des modes d’expression traditionnels, mais situent le geste créateur dans un temps et un espace autres. L’artiste développe alors une nouvelle perception de son réel, une présence à un monde qu’il élargit à de nouvelles dimensions. À ce chapitre, Nathalie Ampleman offre un excellent exemple d’approches inusitées en conjuguant de façon plus ou moins orthodoxe peinture, photographie et autres médiums qu’elle reprend et développe à l’aide de différents moyens, notamment l’informatique.

Dans un premier temps, elle recourt à la technique dite néo-picturaliste, élaborée au milieu du XIXe siècle. Ce procédé était destiné à donner à la photo un éclat particulier habituellement réservé à la peinture. Nathalie Ampleman enduit d’abord le support photographique de gomme bichromatique, puis y applique un révélateur à la lumière. Ce dernier sera de papier, de bois ou de toile. Il est ensuite immergé dans l’eau. Elle expose alors l’œuvre par zones successives en se servant de caches qui en soustraient diverses parties à la lumière.

Ces opérations prennent plusieurs jours. Elles s’étendent même parfois sur plusieurs semaines. Au cours de ces périodes, l’artiste multiplie les interventions afin de parvenir à un ton juste, à une expression qui lui convienne. Les résultats au fini riche et somptueux rappellent les plus beaux moments de l’art du début du XXe siècle. L’artiste donne ainsi à son propos une densité lumineuse et surtout une autonomie expressive. Ampleman opère du fait même un écart, ou tout au moins une certaine mouvance, entre la saisie figurative des formes et la transposition souple et suggestive qu’elle en donne en ne conservant pas moins la force chromatique qui confère à chaque photo sa tonalité, ainsi que la profondeur presque sonore qui en restitue l’essentiel. Dans cette perspective, l’artiste numérise parfois ses œuvres et en transforme les traits jusqu’à la limite du réel, en préservant le caractère parfois vieillot.

Heureuse de son expérience, Nathalie Ampleman en consigne les résultats sur son site Internet ; elle croit son aventure bel et bien terminée. À sa grande surprise, elle recevra peu de temps après un courriel l’informant que plusieurs artistes français poursuivent une même recherche, à peu de variantes près. C’est le cas de Claude Bouchez avec qui Nathalie Ampleman, au fil de leurs échanges fructueux, réalisera des œuvres via Internet.

Ces rencontres ont donné lieu à des expositions successivement à Tours et à Montréal. Par delà les multiples détails de son processus de création, Nathalie Ampleman offre des images qui se situent hors des tendances que l’on pourrait dater, et en cela elles répondent à l’ambition d’être des œuvres d’art.

NATHALIE AMPLEMAN ET CLAUDE BOUCHEZ
Espace contemporain de Montréal
5175, avenue Papineau, Montréal
Tél. : 514 728-4474
www.lespacecontemporain.com
Du 24 au 29 mai 2011