Rolande Pelletier – Fragmentations et construction

À trois exceptions près, toutes les images sélectionnées ont été réalisées au cours des cinq récentes années. Les quelque soixante pièces exposées représentent un travail considérable compte tenu du temps investi dans la production d’une seule xylographie. Le temps façonne toutes les œuvres gravées.

Les matrices sont importantes pour Rolande Pelletier, elles peuvent évidemment permettre au visiteur de comprendre un peu mieux la technique, mais la grande place qui leur est laissée est à elle seule significative : le plus souvent, elles sont placées au-dessus de l’image sur papier de façon à ce que le relief et l’impression apparaissent comme un dyptique. L’image se juxtapose à la plaque avec laquelle elle a été construite, le rendu révèle ainsi une partie de sa facture et l’évidente inversion des deux représentations.

Faites de bois trouvé, de rebus de contreplaqué et de bois pressé qui sont récupérés pour les marques et les textures qu’ils comportent et qui peuvent être exploitées dans l’image, les plaques sont constituées de plusieurs éléments séparés. Cette fragmentation de la matrice et son découpage en plusieurs pièces rendent possible l’application de plusieurs couleurs différentes en un seul passage sous la presse.

Les représentations, tirées à peu d’exemplaires (au plus huit ou neuf), sont dominées par l’abstraction. La démarche est principalement formelle, mais la recherche portant principalement sur le langage plastique – les formes, les couleurs, l’espace, la matière et les textures – laisse parfois s’infiltrer des références au paysage, à la vie quotidienne ou à l’histoire de l’art. La composition de Rencontre fortuite, comme celle de Corps perdu et celle de Mirer le paysage, met en évidence la construction fondée sur le principe de la superposition. De contour irrégulier, le fond sombre et texturé contraste avec les couleurs vives, les rouges, les ocres, les verts pour faire ressortir les éléments plus petits, linéaires ou massifs, qui y sont répartis. Ces formes colorées, incisées de lignes, de répétitions de courbes et de droites, débordent l’espace bidimensionnel délimité par l’arrière-plan et révèlent une organisation éclatée et dynamique.

Rolande Pelletier compte quarante ans d’expérience. Son travail est surtout connu des artistes qui gravitent au sein du réseau de la gravure. Elle vient de quitter, en novembre 2011, la présidence de Xylon Québec, la branche québécoise de l’association internationale Xylon qui regroupe les graveurs en relief. Parallèlement à ses fonctions d’enseignement (niveau collégial) qu’elle a assumées jusqu’en 2005, elle a participé régulièrement à de nombreuses expositions individuelles et collectives, a fréquenté plusieurs ateliers et écoles : d’abord l’Institut des arts décoratifs, puis l’École des arts décoratifs de Paris où elle a exploré la gravure et la peinture ; à la Guilde graphique, elle a surtout travaillé l’eau-forte ; en 1985, elle choisit de reprendre la gravure avec des techniques directes et particulièrement celle traitant le bois. Elle repart à Paris pour y approfondir le procédé et, à son retour, se joint d’abord à Graff, où elle imprime un livre d’artiste, puis à Xylon Québec. Comme bien des artistes-enseignants, elle profite de ses congés pour se consacrer plus intensément à son travail de création.

Sa production s’élève comme une douce résistance contre la frénésie actuelle valorisant l’immédiateté et l’instantanéité. L’originalité se révèle et se mesure aussi dans la durée de l’élan créateur. Cette artiste en est l’exemple, et sa démarche s’érige en modèle. 

ESTAMPES ET ASSEMBLAGES
Centre d’exposition de Repentigny
3, place d’Évry Repentigny
Tél. : 450 470-3010
http://ville.repentigny.qc.ca/expositions
Du 8 janvier au 5 février 2012