ROME. L’Éternelle
On n’aborde la Ville éternelle qu’avec des superlatifs. Puissante Cité-Empire, Ville sainte, haut lieu des arts, puis capitale d’un royaume unifié, la ROME. Des origines à la capitale d’Italie nous est contée au Musée de la civilisation de Québec. Quelque 300 objets archéologiques, documents et œuvres d’art y témoignent de 2 600 ans d’une culture phare qui a rayonné dans tout l’Occident.
Comment « résumer » Rome, à supposer que cela fût possible ? Comment évoquer ses âges successifs, sa société, ses monuments, ses trésors artistiques et son influence tous azimuts en une seule exposition ? Ces questions, le professeur Giovanni Gentili se les est posées plus d’une fois lorsqu’il s’est vu confier, par la direction du musée québécois, la responsabilité d’une présentation-synthèse audacieuse jamais tentée auparavant.
Deux ans plus tard, avec l’appui d’un solide comité d’experts et d’une trentaine d’institutions prêteuses italiennes, dont les prestigieux musées du Vatican, de Rome et du Capitole, le défi d’une exposition d’envergure hors du pays, soulignant par la même occasion le 150e anniversaire de l’Unité de l’Italie, semble avoir été relevé avec brio !
Le public, déjà nombreux à répondre à l’invitation du commissaire d’explorer Rome par époque, par certains acteurs et événements incontournables de son histoire, déambule dans les sections consacrées à l’Antiquité (la plus imposante), au Moyen Âge, à la Renaissance, à l’ère baroque jusqu’au xixe siècle. Il peut même y faire le plein d’ambiances contemporaines sur la piazza centrale campée autour de la Fontana di Roma, installation multimédia d’où jaillissent des images de la ville actuelle et des séquences célèbres du cinéma italien, Fellini en tête.
Apogée et déclin
L’emblématique Louve du Capitole allaitant Romulus et Rémus (copie de l’original de bronze datant du ve siècle av. J.-C.) plonge immédiatement le visiteur au cœur du mythe fondateur de la ville aux sept Collines. Suivent en cortège dieux et déesses, vestales et empereurs sculptés dans la pierre et le marbre. Groupes statuaires, bustes, reliefs, mosaïques et fresques (étonnantes scènes de port, de combats et de jeux, des portraits de gladiateurs et de simples citoyens) et objets utilitaires illustrent la vie quotidienne, civile et religieuse de la Caput Mundi, capitale du monde, qui compte à son apogée plus de un million d’habitants1.
L’Empire romain amorce son déclin avec la montée du christianisme et la fondation de Constantinople, la « Nouvelle Rome d’Orient », sous Constantin, premier empereur chrétien. La « vraie » Rome marquée de nouveaux symboles (christogramme, croix latine, poisson, agneau) entre dans une ère de profonds bouleversements.
Invasions barbares, épidémies, famines et conflits politiques s’abattent sur la ville médiévale : celle des pèlerins affluant de partout pour se recueillir sur la tombe de saint Pierre, celle qui voit se multiplier les lieux de culte et les objets pieux à saveur byzantine et gothique (somptueux portraits du pape Innocent III et de l’Ecclesia Romana en mosaïque de pâte de verre et d’or), celle, enfin, à qui la papauté a préféré Avignon. Cette Rome-là n’abrite plus que vingt mille âmes à l’aube du xve siècle.
Renaissance et rayonnement
L’exposition fait la part belle à l’art sous toutes ses formes, et les attentes sont immenses en pénétrant dans les sections dévolues à la Renaissance et au Baroque. Dans une mise en espace serrée se côtoient les œuvres religieuses et profanes d’artistes anonymes et des plus réputés maîtres italiens, parmi lesquels Da Forli, Pintturichio (émouvante fresque de La Vierge à l’Enfant, vers 1490), Raphaël (l’Espérance, prédelle de retable peinte à la détrempe, 1507), Lorenzetto, Volterra et de Michel-Ange (trois rares dessins originaux qui seront remplacés au mois de septembre2).
Architectes, peintres, sculpteurs, orfèvres, tapissiers et autres artisans exceptionnellement doués se succèdent ainsi pour redonner son lustre à la ville en perpétuel chantier, redevenue siège pontifical. Entre autres projets ambitieux, la chapelle Sixtine et l’achèvement de la basilique Saint-Pierre retiennent l’attention. Aux noms déjà mentionnés s’ajoutent Le Bernin, Annibale Caracci, Guido Reni (Ecce Homo, son chef-d’œuvre, vers 1638), Guercino, Pietro da Cortona qui font triompher l’extravagance baroque au XVIIe siècle.
De la grandeur passée à la splendeur recouvrée, Rome exerce son attraction sur toute l’Europe et au- delà. Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, fils de bonne famille et artistes s’y rendent pour y vivre l’« expérience existentielle et créative » du « Grand Tour ». Le néoclassicisme s’épanouit sous l’occupation napoléonienne, puis avec les soulèvements menant à l’annexion de la ville au royaume d’Italie (belles perspectives urbaines et buste du roi Victor-Emmanuel II de Savoie).
Rome s’est construite dans l’alternance d’épisodes glorieux et de chutes vertigineuses, innovant et s’enrichissant au contact de cultures étrangères. Et c’est sur son héritage millénaire qui a eu des échos jusqu’au Québec (justice, éducation, iconographie religieuse, etc.) que se conclut le circuit.
La tenue de ROME. Des origines à la capitale d’Italie, à mettre au compte des événements muséaux de l’année au Québec, vient marquer l’entrée en poste de Michel Côté qui succède à Claire Simard à la tête du Musée de la civilisation de Québec. En 2012, c’est à la Ville lumière, particulièrement au Paris haussmannien, qu’il dédiera le second volet d’une série en devenir sur les grandes capitales du monde.
ROME. De ses origines à la capitale d’Italie
Musée de la civilisation de Québec
85, rue Dalhousie, Québec
Tél. : 418 643-2158
Sans frais : 1 866 710-8031
www.mcq.org/rome
Réalisation du Musée de la civilisation de Québec
Commissaire et responsable scientifique de l’exposition :
Professeur Giovanni Gentili, historien de l’art
Du 11 mai 2011 au 29 janvier 2012
(1) La maquette spectaculaire réalisée de 1987 à 2011 par André Caron donne une bonne idée de l’étendue urbaine de Rome au Ier siècle, moment de son apogée.
(2) Ces esquisses fragiles retourneront dans leurs réserves muséales romaines, à la noirceur totale, pendant les trois prochaines années.