Serge Murphy – Journal d’un anartiste
Il y a des écrivains qui griffonnent chaque jour quelques lignes dans un cahier ; certains peintres tracent régulièrement des esquisses dans un carnet. Serge Murphy, lui, monte des sculptures qui correspondent un peu à ses humeurs qu’il consignerait dans un journal intime.
Pour sa première exposition solo dans un musée montréalais, Serge Murphy a couvert les quatre murs du carré d’art au Musée des beaux-arts de Montréal de sculptures qui sont posées sur des petites tablettes côte à côte. Assemblages hétéroclites d’éléments trouvés ou façonnés, faits de toutes sortes de matières et de couleurs, ces sculptures-objets représentent le travail du temps. L’alignement systématique des assemblages fait écho à l’écoulement régulier des jours qui les ont vus naître ; en même temps, aucun début de parcours n’est signalé, de sorte que le passage en revue des quatre murs laisse au visiteur l’impression d’une présentation en boucle.
Faits d’assemblages de morceaux de carton, de petits blocs de glaise hâtivement sculptés, de rebuts de plastique, de vieux jouets, d’accessoires de cuisine ou de couture, ces objets suggèrent plus qu’ils ne désignent, ils semblent être là davantage pour raconter, telle une envolée musicale improvisée, la fébrilité des mains de l’artiste.
On passe du short déchiré accroché à un cintre au serpent pendouillant fait de sacs en plastique blanc ou du petit dessin tout juste esquissé aux traits grossiers tracés à la peinture (ou est-ce du dentifrice ?). La diversité formelle des différents assemblages est telle que notre œil a tôt fait de renoncer à leur chercher une signification propre. Par ci, par là, surgissent des notes d’humour à travers d’étranges figures qui rappellent Jérôme Bosch ou de poétiques assemblages telle la bobine de fil bleu associée à la ouate blanche. Face à cette « collection » personnelle, on pense évidemment à la Wunderkammer d’antan, sauf que le cabinet de curiosités surgit à l’évidence des mains d’un anartiste qui aime flirter avec les courants de l’abstraction, qui se délecte à jouer avec les textures ou avec la gravité sans marquer quelque préférence. Les petites sculptures de Serge Murphy affirment avec force et obstination le droit au dérisoire, à l’anodin. Cependant, leur aspect résolument hétéroclite empêche la cohérence formelle de l’ensemble : aussi soigneusement alignées soient-elles sur les murs blancs d’une salle de musée, les quelque deux cents sculptures peuvent-elles renvoyer à autre chose qu’à elles-mêmes ?
SERGE MURPHY LA FORME DES JOURS
Musée des beaux-arts de Montréal Pavillon Jean-Noël Desmarais
1380, rue Sherbrooke Ouest, Montréal
Tél. : 514 284-2000
www.mbam.qc.ca
Du 21 juin au 2 octobre 2011