« siesta blue » : se laisser envelopper par le doux soft club
19h07
Pénélope & Chloë, collectif moitié du doux soft club, échangent avec un professeur de l’Université d’Ottawa. Elles parlent des matériaux de l’installation qui habite les deux pièces situées derrière nous. Tapis, tissus, corps, écrans. Champ lexical du confort.
Bien que brève, la conversation est traversée de considérations véritables référant notamment aux impératifs de la création, à la force de la fiction et à l’importance du partage. On se lance la balle de manière authentique et décomplexée pour tenter de démystifier les revers de siesta blue.
Entre deux phrases, je me permets d’émettre le constat suivant (évident, mais crucial) : à la base de toutes choses – de cet échange, de l’installation, de la performance et de ma présence ici, à Gatineau – il y a le club.
La pratique du doux soft club s’aborde d’abord et avant tout à travers l’imaginaire qui se déploie autour de sa structure même. Le club est le lieu de partage sensible où se rencontrent les visions plurielles et complices de Marion Paquette, Mariane Stratis et Pénélope & Chloë, mais le club est aussi un espace sécuritaire (safe space) voué à l’expérimentation où sont invités tous ceux et celles qui, comme moi, ont pris part à l’événement PERF (Ré)activation du 13 novembre dernier chez AXENÉO7.
La pratique du doux soft club s’aborde d’abord et
avant tout à travers l’imaginaire qui se déploie
autour de sa structure même.
19h43
À grands coups de one piece colorés et de conversations à cœur ouvert, le club milite discrètement pour une plus grande place du poétique dans notre quotidien.
Un plaidoyer pour la force du vulnérable qui existe au-delà des œuvres et qui me force d’ailleurs ici à traiter du club de manière intuitive. Vouloir à tout prix intellectualiser la pratique du doux soft club serait la dénaturer.
Il est nécessaire de comprendre que la nature collective du club participe de manière intrinsèque au discours véhiculé par son travail. Partout où elles passent, les artistes traînent avec elles un contexte qui s’articule autour d’une volonté de cohésion et d’échanges ludiques. Un effacement de l’individuel au profit du collectif.
20h36
Après avoir terminé de révéler, d’activer et de transporter en équipe les morceaux de leur tapis de sieste géant entre les différents espaces d’exposition, la performance intitulée en synchrométrie se termine. Composée autour de la logique du jeu, la performance consistait en une sorte de chorégraphie collective permettant de combler peu à peu les parties trouées du tapis. Ayant servi de terrain de jeu pour une série d’interventions réalisées sur différents sites extérieurs de la ville de Laval, le tapis agissait comme empreinte de la géographie du sol du nouveau centre communautaire de Sainte-Dorothée – où les artistes ont effectué une résidence en collaboration avec Verticale — centre d’artistes durant la saison estivale.
Tout comme c’était le cas lors de la première itération de la performance au mois d’août dernier, les gens ne quittent pas tout de suite. On désire plutôt s’étendre collectivement sur le tapis. Donner un souffle second à ce partage créatif entre les artistes et leur public. Manger une collation. Revivre l’anniversaire de nos huit ans. Synchronicité, esprit d’équipe, bienveillance.
L’utopie du repos, née dans l’espace fictionnel du jeu performatif du doux soft club, survit aux applaudissements. L’installation accueille les dialogues – formels, visuels, métaphoriques. Les gens se parlent, les différents éléments de l’installation aussi.
siesta blue est un projet en continu, une œuvre rivière qui nous sort des schèmes habituels de la performance. L’œuvre nous rappelle comment communiquer, sans parler, à travers une chorégraphie de tendresse où les verbes se multiplient pour rendre tangible le royaume imaginaire du club.
Se couvrir, s’envelopper, se recroqueviller, se camoufler. Si je retiens une chose de ce témoignage performatif, c’est que les corps sont des liants, qu’ils remplissent les angles morts et nous confortent face à la présence de certains vides omniprésents.
Une approche manifestement douce qui nous enveloppe en faisant front aux hiérarchies et à l’intellectualisme.
doux soft club, siesta blue
AXENÉO7, Gatineau
Du 13 novembre au 14 décembre 2019
Une partie de la création et de la production de cette œuvre a été rendue possible grâce au soutien de Verticale — centre d’artistes dans le cadre de la programmation 2018-2019.