Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul
La poésie du temps qui passe

Une patinoire n’est certainement pas le lieu le plus propice pour faire entendre les « murmures du quotidien ». Une douzaine d’artistes se sont pourtant prêtés à cet exercice proposé par Marie Perrault, commissaire du 33e Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul.
Ils se sont tous efforcés de rendre perceptibles les petites choses, les riens, les activités courantes, les non-événements qui tissent la trame de leur vie de tous les jours. Ils y sont certes tous parvenus. Ils ont bien rempli leur fonction d’artiste en s’ingéniant avec succès à rendre « visible le visible » que tout le monde néglige de remarquer, généralement par simple inattention. Cependant, extraire la poésie qui dort sous l’ordinaire des habitudes routinières exige du créateur d’une œuvre qu’il établisse un lien entre ses sentiments personnels et les sensibilités des visiteurs. L’art exige ce tribut.
L’une des grandes particularités du Symposium de Baie-Saint-Paul tient au fait que les artistes réalisent leur œuvre devant le public. Cette singularité suppose une mise en spectacle de l’activité de création où l’artiste joue le rôle principal ; dans une certaine mesure, l’œuvre produite doit, elle aussi, être spectaculaire. En choisissant un thème dont le caractère relève de l’ordre de l’expérience intime, les responsables du Symposium ont délibérément relégué au second plan la marque distinctive de cet événement.
Animée d’un souci pédagogique, Marie Perrault a sélectionné des artistes dont les activités relèvent des divers champs de l’« art contemporain » : art médiatique, performance, vidéo, installation. Leurs réalisations font figure d’applications, voire d’illustrations, de ces divers secteurs.
Enfin, le 33e Symposium justifie son appellation de rendez-vous international, puisqu’il compte deux invités étrangers (France et Finlande) ; en revanche, les dix autres artistes vivent et travaillent tous au Québec.
Des murmures pris au premier degré
L’œuvre d’Anna Hawkins se détache de l’ensemble présenté au Symposium. Elle se compose de trois très courts films dont les images animées résultent de la décomposition de vidéos du type « How to » tirées d’Internet : Comment pétrir le pain, Comment se faire un massage facial et Comment plier une serviette de table. L’artiste tire un effet comique et esthétique en sectionnant électroniquement (grâce à un logiciel spécialisé) les éléments significatifs de ces courts-métrages qui se réduisent, par exemple, à des jeux de mains ou à des visages découpés et recollés. À cette exception près où l’artiste introduit une distanciation critique dans ce qu’elle observe, les autres œuvres sont toutes centrées sur le moi de l’artiste.
Les onze autres artistes se divisent en deux groupes : quatre traitent des murmures « domestiques » et sept considèrent les murmures de sources extérieures. Dans le premier groupe, Marie-France Tremblay a monté jour après jour une impressionnante tapisserie murale (2,28 x 3,35 m) constituée de sérigraphies noires rectangulaires (20 x 25 cm) traversées d’ondulations blanches sur lesquelles elle a collé des papiers découpés représentant des jouets de ses enfants : idée simple, résultat spectaculaire. Les travaux des trois autres artistes sont moins heureux : Annie Descôteaux transpose sous forme de collages stylisés des objets (ballon, pots de fleurs…) éparpillés sur le sol ; David Martineau-Lachance affiche quelques dessins de son enfance (de 3 à 12 ans) et juxtapose les versions qu’il en donne aujourd’hui ; Mathieu Cardin étale sans vergogne le désordre de son atelier d’où il extrait des paysages pas du tout chaotiques, preuves de son savoir-faire.
Dans le second groupe, Suzanne Joos et John Player proposent les œuvres les plus surprenantes. Sous le titre Au jour le jour, les mots et les parcours des astres, Suzanne Joos construit une vision de l’Univers où se juxtaposent des bouts de papier porteurs de proverbes qui, telles des galaxies, se déploient au milieu de nébuleuses et d’amas stellaires sur une longue bande de papier Arches blanc. Beaucoup plus grave, John Player rappelle aux visiteurs, dans des vues aériennes ou en plongée (huiles sur toile de petit format), qu’ils sont observés par des caméras omniprésentes. Mireille Perron, grâce à un procédé d’impression sur tissu, élabore des blasons bleus décorés avec des objets et des devises qui servent d’emblèmes aux personnes qui les ont choisis : sympathique projet artisanal, il a pour principal avantage de susciter une interaction avec le public. Les œuvres des autres artistes ne dépassent pas le niveau de simples descriptions.
Si Marie Perrault a réussi à recruter de bons artistes, il faut reconnaître que la plupart d’entre eux n’ont probablement pas pu déployer leur plein potentiel. Il reste à espérer que Mobilités, thème du prochain symposium, donnera lieu à des œuvres plus animées et que la commissaire tirera parti de son expérience et des contraintes associées à une exposition dans une patinoire.
MURMURES DU QUOTIDIEN
Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul
Commissaire : Marie Perrault
Aréna Luc et Marie-Claude, Baie-Saint-Paul
Du 31 juillet au 30 août 2015