« Synonymes » de Catherine Bodmer : le lieu, décliné en de multiples perspectives
Poursuivant son exploration des espaces verts du tissu urbain de Mexico, Catherine Bodmer a choisi, pour son exposition Synonymes, d’élire comme sujet le marché public qui se trouve dans le parc national du Viveros de Coyoacán, et plus spécifiquement les petits kiosques de plantes et de fleurs qu’il abrite. Présenté à la Galerie B-312, son corpus d’œuvres décortique ces lieux en nous les donnant à voir et à comprendre selon plusieurs perspectives, s’attardant tantôt à ses aspects formels et conceptuels, tantôt à ses dimensions humaines et symboliques.
Dans la petite salle de la galerie, les photographies encadrées de la série Viveros (2018) présentent, dans une prise de vue frontale, les kiosques et leur foisonnante végétation. Superposés numériquement sur ces images, d’autres clichés de ces mêmes lieux se devinent, en semi-transparence. Avec de minutieuses manipulations, l’artiste rend visible le chevauchement de lignes et de formes choisies, en décuple d’autres, puis vivifie les couleurs de certains détails. En intervenant ainsi sur la représentation, Bodmer rend compte, à travers cette série, de l’expérience visuelle vécue par les clients dès leur entrée dans ces kiosques, alors que leur regard est submergé par la surabondance de formes, de textures et de couleurs.
Montée sur l’un des murs de la salle principale, l’impression grand format Viveros (conversion) (2018) offre une vue en noir et blanc de l’un de ces kiosques. Une bande colorée jouxte l’image, suggérant que les teintes de cette photographie ont été soigneusement extraites par l’artiste, afin de diriger notre attention sur autre chose. On remarque dès lors que le contraste offert par le noir et blanc souligne les contours de chacune des formes, divulguant des objets, des végétaux, voire des jeux de juxtaposition qui, autrement, se seraient confondus dans cet ensemble originellement polychrome.
Cette investigation du lieu se poursuit avec la série Viveros (nuancier) (2018-2020) qui donne à voir, déposées sur une large tablette, des impressions monochromes sur soie, montées sur panneaux. Sur chacune de ces impressions superbement réalisées sont appuyées des plaques de verre – rappelant la vitre du cadre –, sur lesquelles sont adossées d’autres images, de petits formats, offrant cette fois des vues des arrière-boutiques. Exposées en strates successives, ces œuvres semblent avoir été finement disséquées afin de révéler aux regards ces entrepôts ténus, discrets et bien dissimulés, qui abritent les gens et les instruments assurant le bon fonctionnement de ces kiosques. Dans Entrevues (2020), les points de vue de ces travailleuses et travailleurs nous sont d’ailleurs présentés. Leurs témoignages, rendus sous forme de courts textes, sont déposés librement sur une seconde tablette. La lecture de ces extraits permet de saisir partiellement, mais de manière engagée, la mesure du labeur qui se cache derrière la commercialisation de cette nature luxuriante.
Des perspectives variées, nuancées, et qui, à l’instar des œuvres de cette exposition, offrent toutes des points de vue très justes et chaque fois renouvelés de ces endroits singuliers. Des endroits en vérité beaucoup plus complexes qu’ils n’y paraissent aux premiers abords.
L’usage des mots revêt un caractère exploratoire dans Synonymes I (2019) et II (2021), où de nombreux vocables apparaissent, soit projetés au sol dans une animation vidéo, ou alors découpés dans des filtres de lumière, superposés sur une boîte lumineuse. Ces mots, tels que calme, éblouissement, nuance, perfection ou vitalité, semblent vouloir traduire l’essence de ces petits espaces verdoyants. Toutefois, par leur quantité, ils témoignent de l’impossibilité de circonscrire en un seul terme la multitude des perspectives avec lesquelles il est possible d’aborder ces lieux.
Des perspectives variées, nuancées, et qui, à l’instar des œuvres de cette exposition, offrent toutes des points de vue très justes et chaque fois renouvelés de ces endroits singuliers. Des endroits en vérité beaucoup plus complexes qu’ils n’y paraissent aux premiers abords.
(Exposition)
SYNONYMES
CATHERINE BODMER
GALERIE B-312
DU 7 MAI AU 23 JUIN 2021