Val-David : Nid d’artistes
Val-David – La famille de Louis Muhlstock achète en 1947 une ferme. Profitant de son « atelier de 140 acres », le peintre découvre les mouvements changeants de la forêt, les rythmes des conifères, l’éclat des fleurs sauvages, la masse des rochers et des collines au fil du passage des saisons.
Plus qu’une réserve de motifs paysagistes, pour le peintre d’origine bulgare Christo Stefanoff, Val-David où il s’installe en 1952 est un refuge. Dans un étrange autoportrait allégorique, il se représente en ange, mais aussi en rescapé de l’enfer des camps nazis, comme sa tenue de détenu l’illustre de même que les attributs de son art issus d’un folklore d’atelier, où palette, pinceaux, livres de reproductions de Van Gogh et de Rembrandt sont érigés en pairs ou en modèles. Stefanoff rêve d’établir à Val-David un centre culturel.
Durant les années 1960, ce village agit comme un aimant pour une nouvelle génération d’artistes. En pleine effervescence contre-culturelle, ceux-ci rêvent d’un monde plus convivial où le quotidien est à réinventer en accord avec la nature et le travail de la main. Dans la foulée de la boîte à chansons La Butte à Mathieu et de l’éveil culturel du Québec d’alors, ces créateurs échappent à l’attraction des grands centres et construisent ici leurs ateliers.
Une exposition récente au Centre d’exposition de Val-David retraçait l’histoire, mouvante et difficile à cerner autrement, de ces créateurs implantés dans les Laurentides.
Jumelée à des œuvres en extérieur dans un parc riverain, la présentation comprend nombre de peintres tels Kittie Bruneau, Guy Montpetit et Gilles Boisvert – ce dernier avec une série d’œuvres inspirées de ces jours de pandémie. S’y affiche une grande diversité de techniques. Jacques Dieudonné réalise les portes de la cathédrale de Liège. Bernard Chaudron et Paul Simard sont orfèvres et dinandiers. L’exposition regroupe également céramistes, sculpteurs, illustrateurs, poètes et photographes.
Michel-Thomas Tremblay rapporte au milieu des années 1970 un nouveau savoir-faire de l’atelier Hayter à Paris ainsi qu’une presse et des instruments du métier. Il réunit des graveurs à l’Atelier de l’île : Jocelyne Aird-Bélanger, Indira Nair… Les œuvres récentes de M.-T. Tremblay ou de Bonnie Baxter intègrent maintenant des moyens techniques issus du numérique. Avec ce cycle de bas-reliefs polychromes de la série Les Rapaces (2017), René Derouin s’ouvre en panoramique au chant du monde.
Les thématiques se recentrent autour de la nature : environnement méditatif (Kinya Ishikawa) ; nordicité (Derouin, Tremblay) ; bestiaire attachant (Michel Beaudry).
Ces créateurs proposent une définition du vivre-ensemble. Ils tirent profit de nouvelles socialisations alors que s’implante au fil des ans, sans vraiment que rien de tout cela soit concerté et de façon informelle, une véritable « colonie d’artistes ». Avec son originalité et ses particularismes, Val-David rejoint ainsi des lieux tels Giverny autour de Claude Monet, et Worpswede en Allemagne au début du XXe siècle, Saint-Paul de Vence (France), Hydra (Grèce) ou San Miguel de Allende (Mexique) au milieu des années 1950. Et ici, rien de nostalgique ni de prémédité tandis qu’avec le temps cet esprit se perpétue et se renouvelle.
Depuis février, un volet contemporain à l’exposition documente les travaux des générations plus jeunes qui ont pris la relève, dont François Morelli, Didier Morelli, Susan Edgerley, Catherine Bolduc, Ève K. Tremblay, Chloë Charce et Véronique La Perrière M.
(Exposition)
Val-David – Cent ans d’art et de culture : d’hier à demain
Commissaire : Manon Regimbald
Centre d’exposition de Val-David
Volet été-automne : Du 6 juin 2021 au 9 janvier 2022
Volet hiver : Du 12 février au 29 mai 2022
