Le souffle d’Uranie est une vidéo expérimentale de l’artiste Véronique La Perrière M. S’y croisent la passion de l’artiste pour le dessin et son intérêt pour la vidéo. Ce n’est pas ici un coup d’essai, mais c’est assurément un coup de maître. Ce Souffle d’Uranie, tourné en HD et d’une durée de neuf minutes, s’inscrit dans le projet La clinique alchimique, d’abord présenté à la Maison des artistes visuels francophones de Saint-Boniface au Manitoba en mai-juin, à La Cité internationale des Arts de Paris en août, puis chez Vidéographe à Montréal en octobre 2014.

Comme à son habitude, Véronique La Perrière M. propose un univers résolument mytho-poétique. Il prend forme, se désagrège, se recompose aussitôt que l’artiste sème une matière pulvérulente blanche sur un fond noir. Des étoiles filantes, des planètes, des trous noirs naissent et disparaissent sous nos yeux, nous ramenant sans cesse à la primordialité de la sphère. La sphère, en effet, coïncide avec le monde par le truchement d’un maillage subtil de références scientifiques (astronomie), historiques (les premiers pas sur la Lune) et artistiques (Le jardin des délices de Jérôme Bosch). Tout est mis en récit afin de révéler une temporalité cyclique qui renvoie à un discours poétique des origines du monde-sphère. Cet aspect temporel est pris en charge par un souffle qui adopte la forme de la volatilisation et de l’aspi­ration de la poudre. Cette évanescence est filmée au ralenti comme pour nous faire pénétrer dans le secret des dieux. Des dieux farceurs, héritiers du surréalisme, qui retournent leur gant à la manière de René Daumal faisant voir l’envers du monde. Véronique La Perrière M., elle, recourt au langage visuel pour un même résultat ; elle joue avec un montage d’images filmées de manière chronologique et antéchronologique qui retourne l’univers comme un gant.

L’infiniment grand et l’infiniment petit finissent par se télescoper, le haut et le bas permutent, le futur se confond avec le présent, le présent avec le passé. Derrière l’hommage discret aux surréalistes, qui ont d’ailleurs toujours nourri son œuvre, Véronique La Perrière M. est de ces artistes qui puisent une partie de leur inspiration dans l’imagerie et la philosophie alchimiques. Elle permet de mieux comprendre la première maxime de la Table d’émeraude, texte fondateur de l’alchimie traditionnelle : « Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut : & ce qui est en haut, est comme ce qui est bas, pour faire les miracles d’une seule chose ». Tout est question d’équilibre, et dans l’alchimie et dans le mythe. Véronique La Perrière M. le sait bien, et ses œuvres sont là pour en témoigner.

Le souffle d’Uranie volatilise autant qu’il fixe la poudre, faisant de la vidéo un support de mémoire de la transformation de la matière. Au jeu temporel et formel s’associe donc la volonté de ré- enchanter un monde, de le choisir uranien, du nom de la muse de l’astronomie chez les Grecs, d’en faire une figure tutélaire à la fois lointaine et proche. Le spectateur, ainsi ré-enchanté, peut se perdre et se retrouver dans la contemplation d’une œuvre dont la symbolique autour d’une figure littéralement centrale appartient à l’histoire de l’art, des idées, des hommes. 

VÉRONIQUE LA PERRIÈRE M. LE SOUFFLE D’URANIE
Vidéographe, Montréal
Présenté le 22 octobre 2014