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Éditorial : 279 — Anniversaires (ou comment célébrer)

Éditos

Un édito à quatre têtes, à quatre cœurs et à huit mains ! Rien de moins pour célébrer d’une écriture commune notre thème Anniversaires (ou comment célébrer). Car, selon le contexte, dans ce cas-ci festif, célébrer et/ou commémorer est un acte collectif – comme la production de chacun de nos numéros que nous fêtons trois fois par année. Via ce numéro, nous soulignons une balise marquante de Vie des arts en 2026 : son 70e anniversaire.

Sept décennies plus tard, d’une génération à une autre, la revue est toujours là. Mais qu’est-ce que faire une revue pendant sept décennies, sinon constamment renouveler le vœu de mission de s’inscrire dans le présent ? Quelles sont les modalités pour fêter ces anniversaires en rendant hommage au passé tout en restant tourné vers le futur ? Comment poursuivre la valorisation d’un tel patrimoine culturel à travers le temps ? Malgré ces questionnements légitimes, une chose est certaine : nous soufflerons ensemble nos 70 bougies ! Souhaitons-nous 70 autres millésimes pour parler d’art.

Nous marquons, depuis longtemps, des faits de l’Histoire. Par le feu et la pierre, l’humain primitif a commencé à tracer le temps. L’astronomie a par la suite guidé le temps. Plus récemment dans l’histoire de notre humanité, selon un calendrier systématisé adapté au besoin de la vie, nous nous réunissons avec les autres ou nous retrouvons avec soi pour des moments heureux comme douloureux. Un jour accède au présent comme il est arrivé au passé. La naissance est révélée par un cri ; la mort s’enfouit en silence. Les faits historiques s’accumulent sur la ligne du temps. Les règnes se succèdent. Les corps se soulèvent pour chanter des hymnes de victoires ou huer les défaites. Entre hommage et outrage, des événements glorieux ou malheureux voient le jour comme « fériés ». Souvent associés au pouvoir, ils laissent à travers les siècles, des empreintes quasi journalières sur nos annuaires. Se souvenir, c’est aussi résister et regarder vers l’avant. Nous honorons la présence et révérons l’absence. Ériger ou déboulonner des monuments, graver des noms sur des stèles, renommer des artères, mettre les drapeaux en berne, organiser des parades militantes à la défense d’idéo logies, prendre des minutes de silence, faire le décompte des 60 secondes juste avant minuit, « popper » une bouteille de champagne, lancer des confettis, danser, autant de gestes discursifs pour se souvenir. Jadis des tambours, aujourd’hui des #hashtags – mais encore cette nécessité de marquer, de faire entendre et de voir l’Histoire, et les histoires.

L’anniversaire marque le retour d’un commencement : il inscrit une origine dans le cycle du temps. Cette date agit comme un point de passage – un moment de transmission, de réflexion, parfois de discontinuité. Il peut être récurrent ou sporadique, collectif ou plus intime, festif ou méditatif. L’anniversaire mérite une célébration et/ou une commémoration. Célébrer et commémorer partagent des sèmes communs, mais diffèrent dans leurs expressions, leurs potentialités et leurs finalités. La célébration est comparable à un corps qui se dépasse dans l’exubérance et la désinhibition. La commémoration évoque une conscience posée ; une intention réflexive pour se recueillir et se souvenir d’existences.

Dans la vie des arts, les anniversaires abondent. Nous nous arrêtons constamment. Nous regardons en arrière : rétrospectives anthumes et posthumes, résurrections d’archives, reconstitutions d’événements, fondation d’organismes autogérés, fierté institutionnelle affichée sur fond de chiffres ronds. Le numéro mise sur la célébration et/ou la commémoration – c’est selon – de maintes figures artistiques d’ici, aussi vivantes que vibrantes, dont l’illustre D. Kimm ; du legs agricole avec la famille Carrier-Bouchard ; de la beauté de vieillir de Jacqueline van de Geer ; du deuil d’atelier de Vicky Sabourin ; des 60 ans de l’Atelier Graff devenu L’imprimerie ; de la fermeture momentanée du Centre Pompidou à l’aube d’un demi-siècle d’ouverture ; de la culture avivée du rave des années 1990 à Montréal avec Caroline Hayeur et Emmanuel Galland ; des manifestations activistes du collectif ARTUNG !. Sans oublier de terminer ce numéro par un essai célébrant la seconde édition de notre prix Polygone et la personne lauréate Andes A. Beaulé.

L’objet-papier que vous tenez entre vos mains provient d’une initiative qui nous précède. Nous nous sommes demandé, à travers ce thème, quel contexte était favorable pour qu’en 1956, un groupe d’intellectuel·le·s décide de se rassembler et de modeler un cahier dans l’idée de rendre accessibles des réflexions sur l’art et la culture québécoise à une diversité de publics. Y avait-il déjà un but de célébration et de commémoration de l’art ?

La vie d’un périodique, chaque année, s’invente et se renouvelle. Au seuil du futur, les marques du passé sont perceptibles dans les pages du présent. Par ce dernier numéro de l’année, nous vous souhaitons à tous·tes une bonne lecture et un bon anniversaire !

Découvrez le contenu de ce numéro en un coup d’oeil.

L’équipe de Vie des arts

Sophie Bertrand
Fanny Charbonneau
Charles-Antoine Goulet
Jean-Michel Quirion

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