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Derouin, l’année de tous les succès

2013 a sans doute été l’année Derouin au Québec. D’est en ouest, l’artiste a occupé le territoire, comme rarement. Plusieurs manifestations ont célébré son œuvre, foisonnant et généreux. Tout a commencé en septembre à Baie-Saint-Paul avec l’installation définitive du Phare et la parution de Graphies d’atelier (hors-texte) ; puis, en octobre, deux expositions ont ouvert leurs portes, une d’envergure à Montréal, une autre, plus modeste, à Sainte-Thérèse. Et ce n’est pas fini puisqu’en février 2014 l’artiste sera l’invité du Festival Montréal en lumière. Tour d’horizon d’une année bien remplie.

Le Phare

Inauguré au Boisé du quai en 2009, en marge du Symposium de Baie-Saint-Paul, Le Phare. Hommage au fleuve et au Cirque du Soleil est une ambitieuse proposition sculpturale qui s’inscrit dans la volonté de l’artiste d’ancrer ses œuvres dans leur contexte, tout en y faisant participer les visiteurs. Structure de 7,20 m de haut, elle se déploie en 25 anneaux superposés, chacun représentant une année d’activité du Cirque du Soleil, qui célébrait alors son quart de siècle. Sur chaque anneau sont disposés quelque 200 personnages en céramique ; un certain nombre de figurines sont aussi réparties à la base de l’œuvre. Tout au long du symposium, les visiteurs ont été invités à confectionner leur personnage et à l’y ajouter.

Déplacée l’été dernier à l’hôtel La Ferme, l’installation, qui appartient désormais au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, a été inaugurée le 21 septembre lors d’une « cérémonie d’illumination publique ». Avec le temps, elle est devenue un emblème, un phare sur le fleuve, axe de communication qui traverse l’œuvre de Derouin (il suffit de penser à Largage, 1994, pour s’en convaincre).

À la Grande Bibliothèque

Remontant le Saint-Laurent jusqu’à Montréal, celui qui se définit comme un « continentaliste » ayant parcouru, du nord au sud, le territoire des Amériques en quête de sa propre identité s’est posé à la Grande Bibliothèque, le temps d’une exposition rétrospective, dont il est tout à la fois le sujet et le commissaire. Ce qui est assez in­habituel dans le paysage artistique québécois, peu d’artistes assumant de front ces deux rôles.

L’exposition Fleuve propose un voyage au cœur des grands thèmes qui ont traversé l’œuvre de Derouin, depuis le milieu des années 1950, selon trois axes : l’identité, la mémoire et le territoire. Les Suites Nordiques, Between, Équinoxe, ÉchographieMigrations / Largage, Chapelle/Capilla constituent les grands projets qui ont marqué les étapes d’une longue et riche carrière, dominée par la question de l’américanité, et que l’exposition évoque avec acuité et sensibilité. La centaine de pièces regroupées par l’artiste (avec en plus 60 figurines de la série Migrations) proviennent en partie des collections de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, mais aussi de nombreuses collections publiques et privées. Divisée en cinq zones inti­tulées L’axe nord-sud, La rencontre de l’autre, Les territoires obscurs, Migrations et Chapelle/Capilla, elle remonte le temps et les lieux et permet d’évoquer, de manière dynamique et selon une scénographie relevant plus du rhizome que de l’itinéraire chronologique, une production d’une étonnante cohérence. Le déploiement des œuvres (souvent monumentales) dans l’espace de la galerie du niveau M (relativement exigu) peut paraître d’emblée labyrinthique ; mais il est sensible, efficace et en totale symbiose avec son sujet. Les documents qui la scandent – une vingtaine de textes et de citations rédigés par Derouin, mais aussi quatre courts films réalisés expressément pour l’exposition – complètent un circuit organique qui est tout sauf scolaire et didactique.

Et encore

En octobre, la petite galerie d’art de la bi­bli­othèque de la ville de Sainte-Thérèse a inauguré Tremblement de terre – Terremoto, une sélection de gravures créées par Derouin à la suite du tremblement de terre survenu à Mexico le 19 septembre 1985, dont il fut un témoin. Si la présentation est modeste, le sujet n’est pas anodin, puisque cet événement a été déterminant pour toute la production de l’artiste qui a suivi. Et pour faire de René Derouin une figure de proue de l’art québécois.

Ce n’est pas tout puisque, dans son atelier de Sainte-Adèle, Derouin met la dernière main à Éclipse, une pièce monumentale qui sera présentée à la Galerie de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan de la rue Sainte-Catherine, au cours de la 15e édition de Montréal en lumière. Aux murs, de grands panneaux de bois sculptés seront accrochés, tandis qu’au sol une longue installation, constituée d’une série de papiers collés, découpés et dessinés montés sur des boîtes lumineuses, occupera l’espace. Convo­quant la lumière hivernale et jouant sur les effets de transparence, l’installation s’inscrit dans le prolongement du travail entamé par René Derouin depuis la fin des années 2000, notamment les séries Or et sel et Chapelle/Capilla (que l’on peut voir à la Grande Bi­bliothèque). 

FLEUVE
Grande Bibliothèque, Montréal
Jusqu’au 23 mars 2014

MONTRÉAL EN LUMIÈRE
Galerie de la Maison du Festival Rio Tinto Alcan, Montréal
Du 13 février au 11 mai 2014